Dans l’aube fraîche d’un matin de septembre, Michael Brennan, 34 ans, a lacé ses bottes de randonnée à St. John’s, Terre-Neuve, entamant ce qui deviendrait l’un des voyages les plus inspirants du Canada pour la santé mentale. Son objectif : marcher 3 200 kilomètres à travers cinq provinces pour sensibiliser aux problèmes de santé mentale qui demeurent stigmatisés malgré qu’ils touchent un Canadien sur cinq chaque année.
“J’ai commencé cette marche parce que le système a laissé tomber mon frère,” m’a confié Brennan lors de notre entretien vidéo alors qu’il parcourait l’autoroute 20 au Québec. “Après l’avoir perdu par suicide l’an dernier, j’ai réalisé combien de personnes souffrent en silence. Chaque pas que je fais est pour ceux qui sentent qu’ils ne peuvent pas s’exprimer.“
La campagne “Des pas contre le silence” a déjà recueilli plus de 340 000 $ pour les services de santé mentale à travers le Canada, dépassant largement l’objectif initial de 100 000 $ fixé par Brennan. Ces fonds soutiendront des programmes d’intervention de crise dans les communautés rurales où l’accès aux services de santé mentale reste cruellement limité.
Ce qui distingue le voyage de Brennan, c’est la réponse communautaire profonde qu’il a générée. Dans les petites villes des Maritimes et du Québec, les résidents ont ouvert leurs maisons, organisé des soupers communautaires improvisés et marché à ses côtés sur des portions de son itinéraire. À Rivière-du-Loup, plus de 200 habitants se sont joints à sa marche à travers la ville, beaucoup partageant leurs propres histoires de lutte contre la dépression et l’anxiété.
Dr. Amanda Chen, psychologue clinicienne et directrice de la Coalition canadienne pour la santé mentale, souligne l’importance de l’approche de Brennan. “Ce que Michael fait transcende la collecte de fonds typique. Il crée des espaces sécuritaires pour la conversation dans des communautés où la santé mentale est rarement discutée ouvertement. Ces connexions en personne sont inestimables pour briser les stigmates.”
La marche de Brennan coïncide avec des statistiques préoccupantes sur la santé mentale publiées par Santé Canada le mois dernier, montrant une augmentation de 27% des troubles anxieux déclarés depuis 2019, avec des taux particulièrement alarmants chez les jeunes adultes et les communautés autochtones.
La ministre fédérale de la Santé, Paulette Williams, a reconnu les efforts de Brennan lors d’une conférence de presse à Ottawa la semaine dernière : “Ce type de défense des droits à la base nous rappelle que derrière chaque statistique se cache une histoire humaine. Le récent transfert gouvernemental de 4,5 milliards de dollars pour la santé mentale aux provinces doit se traduire par des services tangibles pour les Canadiens.”
Brennan a fait face à ses propres défis pendant son voyage, notamment des conditions météorologiques difficiles, l’épuisement physique et la confrontation avec son chagrin personnel. “Il y a eu des jours au Nouveau-Brunswick où la pluie ne s’arrêtait pas, mes pieds étaient couverts d’ampoules, et je remettais tout en question,” a-t-il admis. “Mais ensuite, je recevais un message de quelqu’un disant qu’il avait cherché de l’aide grâce à cette campagne, et soudain, ces ampoules n’avaient plus d’importance.”
L’impact sur la politique canadienne a également été remarquable. Trois assemblées législatives provinciales ont invité Brennan à prendre la parole à son arrivée dans leurs capitales, et son voyage a suscité de nouveaux appels à l’établissement d’une stratégie nationale de santé mentale avec des protocoles d’accès normalisés dans toutes les provinces.
Alors qu’il se prépare à entrer en Ontario la semaine prochaine, l’équipe de soutien de Brennan est passée de deux bénévoles à un réseau de plus de 50 personnes coordonnant les hébergements, les apparitions médiatiques et les événements communautaires. Ses progrès peuvent être suivis grâce à un traceur GPS en direct sur le site web de la campagne, où des milliers de Canadiens se connectent quotidiennement pour suivre son parcours.
En envisageant les 1 300 derniers kilomètres de son itinéraire, Brennan reste concentré sur son message essentiel : “Les difficultés de santé mentale ne devraient pas être affrontées seules. Qu’il s’agisse de parcourir 3 200 kilomètres ou simplement de tendre la main à un ami en crise, le premier pas est toujours le plus difficile—mais c’est celui qui compte le plus.”
Alors que le Canada est aux prises avec une crise de santé mentale post-pandémique, les pas déterminés d’un homme à travers le paysage canadien forcent les conversations dans les salons, les salles de conseil et les chambres législatives. La question qui se pose maintenant aux Canadiens n’est pas seulement de savoir jusqu’où Brennan marchera, mais jusqu’où nous sommes prêts à aller en tant que société pour transformer notre approche des soins de santé mentale.