Dans un revirement surprenant qui a provoqué des remous au sein de la communauté environnementale canadienne, les références climatiques de Mark Carney font l’objet d’un examen sans précédent de la part des militants qui autrefois soutenaient son leadership. L’ancien gouverneur de la Banque du Canada, longtemps positionné comme un pont entre les systèmes financiers et l’action climatique, se retrouve maintenant au centre d’une controverse grandissante concernant ses doubles rôles dans la défense du climat et le secteur énergétique.
“Il y a une contradiction inhérente qu’on ne peut ignorer,” affirme Keith Stewart, stratège principal en énergie chez Greenpeace Canada. “On ne peut tout simplement pas prétendre être un leader climatique tout en maintenant d’importants intérêts financiers dans l’expansion des combustibles fossiles.”
Ces critiques surviennent alors que Carney tente d’équilibrer sa position d’Envoyé spécial des Nations Unies pour l’action climatique et le financement avec son rôle chez Brookfield Asset Management, qui maintient d’importants investissements dans les infrastructures pétrolières et gazières. Cet exercice d’équilibre délicat est devenu de plus en plus intenable pour les défenseurs du climat qui soulignent ce qu’ils décrivent comme des incohérences fondamentales dans son approche.
Au cœur de la controverse se trouve la lutte du Canada pour concilier ses ambitieux objectifs climatiques avec son statut de grand producteur de pétrole. Les politiques climatiques du gouvernement Trudeau, que Carney a contribué à façonner, visent à réduire les émissions tout en soutenant simultanément la production de combustibles fossiles – une position que les groupes environnementaux considèrent de plus en plus comme contradictoire.
“Nous assistons aux limites du changement progressif,” explique Catherine Abreu, fondatrice de Destination Zero. “La science exige une décarbonisation rapide, tandis que l’approche du Canada continue d’accommoder l’expansion des combustibles fossiles. Cet écart devient impossible à ignorer.”
L’examen minutieux de Carney reflète un changement plus large dans la défense du climat, les militants se concentrant de plus en plus sur le rôle du secteur financier dans la poursuite du développement des combustibles fossiles. Sa position illustre le défi auquel font face les leaders financiers qui tentent de naviguer dans les deux mondes – promouvoir l’action climatique tout en restant investis dans l’énergie traditionnelle.
Les dossiers financiers examinés révèlent que le portefeuille énergétique de Brookfield continue d’inclure d’importants actifs de combustibles fossiles aux côtés de ses investissements croissants dans les énergies renouvelables. Cette approche hybride, autrefois considérée comme pragmatique, est de plus en plus perçue par les défenseurs du climat comme inadéquate compte tenu de l’urgence des réductions d’émissions requises par la science climatique.
La controverse entourant Carney met en lumière une question fondamentale à laquelle fait face la politique canadienne : le pays peut-il aborder de manière significative le changement climatique tout en maintenant son identité de superpuissance énergétique? Le débat touche aux questions fondamentales de transition économique et à la rapidité avec laquelle les infrastructures énergétiques traditionnelles devraient être éliminées progressivement.
“Nous avons dépassé l’ère où les gestes symboliques et les transitions graduelles sont suffisants,” note Tzeporah Berman, directrice du programme international chez Stand.earth. “La crise climatique exige des choix clairs et un leadership authentique, pas des tentatives de ménager la chèvre et le chou.”