Les tours de verre étincelantes des géants canadiens des télécommunications ressentent la pression alors que moins de Canadiens s’aventurent au sud de la frontière. Les données récentes de l’industrie révèlent une corrélation inquiétante entre la diminution des voyages transfrontaliers et la réduction des revenus d’itinérance – autrefois une source fiable de profits pour les fournisseurs de télécommunications du pays.
Bell Canada Entreprises a signalé une baisse de 2,1 % des revenus des services sans fil au cours de son deuxième trimestre, citant spécifiquement “une baisse des revenus d’itinérance due à la réduction des activités de voyage”. Cette tendance se poursuit depuis début 2023, lorsque l’entreprise a noté pour la première fois une diminution des voyages internationaux par rapport à la reprise post-pandémique.
“Les contraintes économiques se manifestent dans le comportement des consommateurs”, explique Maya Richardson, analyste en télécommunications. “Les gens réfléchissent à deux fois avant de faire des dépenses discrétionnaires, y compris des voyages aux États-Unis où s’accumulent ces frais d’itinérance.”
Statistique Canada confirme ce changement, rapportant une diminution de 12 % des voyages en voiture d’une journée vers les États-Unis par rapport aux niveaux pré-pandémiques. Cette réduction affecte directement les opérateurs de télécommunications qui facturent généralement des tarifs premium pour les services de données, d’appels et de messagerie lorsque les clients voyagent à l’international.
Rogers Communications a fait écho à des préoccupations similaires dans son rapport trimestriel, notant les “défis macroéconomiques” affectant les habitudes de dépenses des clients. L’entreprise a tenté de compenser ces pertes en promouvant ses forfaits “Partout chez vous”, mais le problème fondamental demeure : moins de voyageurs signifient moins d’opportunités de générer des revenus d’itinérance.
“Il ne s’agit pas seulement de voyages moins nombreux”, explique Jordan Chen, défenseur des consommateurs. “Même ceux qui voyagent deviennent plus habiles à éviter complètement les frais d’itinérance – en utilisant des cartes SIM locales, des eSIM ou en s’appuyant sur le Wi-Fi.”
Pour Telus, le moment est particulièrement difficile alors que l’entreprise gère d’importantes dépenses en capital pour l’expansion du réseau 5G. Leur dernière divulgation financière a reconnu les “vents contraires des revenus d’itinérance” comme facteur dans leurs prévisions d’EBITDA ajusté.
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) surveille ces développements de près, surtout que les trois grands fournisseurs ont historiquement compté sur ces services à forte marge pour stimuler leurs bénéfices trimestriels.
Les observateurs de l’industrie suggèrent que ce changement pourrait accélérer la recherche de nouvelles sources de revenus par les télécoms canadiennes. Plusieurs fournisseurs ont déjà élargi leurs offres d’Internet des objets (IdO) et leurs solutions d’entreprise pour compenser le marché de consommation stagnant.
“L’époque des revenus faciles d’itinérance est peut-être derrière nous”, note la chercheuse en politique des télécommunications, Dre Anita Sharma. “Les fournisseurs canadiens doivent innover plutôt que de s’appuyer sur ces centres de profit traditionnels qui sont de plus en plus vulnérables aux fluctuations économiques et aux habitudes changeantes des consommateurs.”
Pour les consommateurs canadiens, cette pression sur les géants des télécoms pourrait éventuellement mener à des offres nationales plus compétitives alors que les entreprises s’efforcent de compenser les revenus internationaux perdus. La question demeure de savoir si les fournisseurs absorberont ces pertes ou trouveront de nouvelles façons de maintenir leurs marges bénéficiaires aux dépens de leur clientèle.
Alors que l’industrie du voyage poursuit sa reprise inégale, le secteur canadien des télécommunications fait face à un défi permanent qui va au-delà des fluctuations saisonnières – suggérant un changement plus fondamental dans le comportement des consommateurs et les attentes de revenus qui pourrait remodeler l’industrie pour les années à venir.