Dans ce qui semble être un cas alarmant de conséquences politiques, les directives strictes de la Colombie-Britannique en matière de prescription d’opioïdes—initialement mises en œuvre pour combattre la crise des surdoses dans la province—ont involontairement réduit l’accès aux médicaments contre la douleur pour les patients atteints de cancer, selon une étude novatrice publiée hier dans le Journal de l’Association médicale canadienne.
La recherche révèle qu’à la suite de l’introduction en 2016 des normes restrictives de prescription du Collège des médecins et chirurgiens de la C.-B., les patients atteints de cancer ont connu une réduction de 23 % des ordonnances d’opioïdes par rapport aux niveaux antérieurs à la politique. Cette baisse s’est produite malgré les preuves montrant que les patients atteints de cancer n’ont jamais été des contributeurs importants à l’épidémie de surdoses qui a coûté la vie à des milliers de personnes dans toute la province.
“Ce que nous voyons est un cas classique de surcorrection politique,” explique la Dre Hannah Morrison, chercheuse principale et oncologue à BC Cancer. “Bien que la lutte contre la crise des opioïdes demeure d’une importance cruciale, nos données montrent que nous avons créé une crise de santé secondaire pour ceux qui ont des besoins légitimes en matière de gestion de la douleur.”
L’étude exhaustive a analysé les dossiers de prescription de 14 752 patients atteints de cancer entre 2014 et 2023, documentant non seulement la diminution des taux de prescription, mais aussi l’augmentation des visites aux urgences pour la gestion de la douleur—une hausse de 31 % que les chercheurs attribuent directement à un contrôle inadéquat de la douleur en consultation externe.
Plus préoccupant encore, la recherche indique que les patients socioéconomiquement défavorisés et ceux des communautés rurales ont connu les baisses les plus importantes d’accès aux ordonnances, soulevant de sérieuses préoccupations d’équité concernant la gestion de la douleur dans toute la province.
Les autorités sanitaires provinciales ont défendu les directives comme des mesures nécessaires durant une urgence de santé publique sans précédent. Le ministre de la Santé Adrian Dix a noté lors d’une conférence de presse hier que “des équilibres difficiles doivent être trouvés lorsqu’on aborde des préoccupations doubles de santé publique,” tout en reconnaissant que les résultats méritent “une considération sérieuse pour d’éventuels ajustements politiques.”
La Société canadienne du cancer a réagi en appelant à des révisions immédiates des directives, proposant un parcours spécialisé pour les patients atteints de cancer qui les exempterait de certaines restrictions. “La gestion de la douleur est un droit fondamental pour les patients atteints de cancer,” a déclaré Maya Roberts, directrice provinciale de la SCC. “Nous ne pouvons pas permettre que ces patients deviennent des dommages collatéraux dans notre lutte contre la crise des opioïdes.”
Les éthiciens médicaux suggèrent que les résultats mettent en évidence un défi plus large dans la politique de soins de santé canadienne—comment cibler les interventions avec suffisamment de précision pour éviter de nuire aux populations vulnérables tout en répondant aux urgences de santé publique.
L’Association des pharmaciens de la C.-B. rapporte que ses membres ont été témoins directs de ce dilemme. “Nous voyons des patients atteints de cancer en larmes aux comptoirs des pharmacies quand on leur dit que leurs médicaments contre la douleur ont été réduits ou refusés,” dit le pharmacien Terrence Wong. “C’est déchirant, surtout quand nous savons que leur douleur est légitime et sévère.”
L’équipe de la Dre Morrison recommande une éducation spécialisée pour les prescripteurs, des exemptions clarifiées pour les patients atteints de cancer, et une communication améliorée entre les oncologues et les médecins de soins primaires pour assurer la continuité d’une gestion appropriée de la douleur.
Alors que la Colombie-Britannique continue de naviguer dans sa dévastatrice crise de surdoses, qui a coûté la vie à plus de 2 200 personnes l’an dernier seulement, cette recherche soulève une question profonde sur notre approche des défis complexes de soins de santé : comment protéger la santé publique sans abandonner ceux qui dépendent des médicaments contrôlés pour leur qualité de vie?