Le hurlement perçant des sirènes traverse une autre nuit de garde alors que l’ambulancière paramédicale Jen Koroll se précipite vers une nouvelle urgence. Pour elle et des centaines d’autres premiers répondants de la Saskatchewan, ces moments de crise sont devenus routiniers, mais le fardeau psychologique est tout sauf ordinaire.
“C’est épuisant,” avoue Koroll, sa voix révélant la tension d’une carrière de 15 ans passée en première ligne. “On passe constamment d’un appel à l’autre. Il n’y a pas de temps mort pour assimiler ce qu’on vient de voir avant d’être plongé dans une autre urgence.”
La crise de santé mentale des ambulanciers paramédicaux de la Saskatchewan a atteint des niveaux alarmants, avec un récent sondage révélant que 74% du personnel médical d’urgence présente des symptômes d’épuisement professionnel. La situation a suscité de nouveaux appels à des changements systémiques dans la façon dont la province soutient ses premiers répondants.
Steven Skoworodko, ambulancier vétéran et défenseur auprès des Chefs des services paramédicaux de la Saskatchewan, souligne le fardeau psychologique caché porté par ses collègues. “Nous intervenons lors de la pire journée de la vie de quelqu’un, puis on s’attend à ce qu’on compartimente ces expériences et qu’on passe au prochain appel,” explique-t-il. “Avec le temps, ces compartiments se remplissent, et il n’y a nulle part où ces émotions peuvent aller.”
La pandémie de COVID-19 n’a fait qu’exacerber les pressions existantes. Les données provinciales indiquent que le volume d’appels d’urgence a augmenté de 23% depuis 2019, alors que les niveaux de personnel sont restés largement stagnants. Ce déséquilibre a créé un terrain propice à la surcharge de travail et aux tensions psychologiques.
“Les soutiens en santé mentale qui existent ne sont pas adéquats,” affirme Dre Karen Mosier, psychologue clinicienne spécialisée dans les traumatismes des premiers répondants. “Les services d’urgence de la Saskatchewan ont besoin de ressources dédiées qui répondent aux facteurs de stress uniques auxquels font face les ambulanciers, y compris un accès immédiat à des conseils, du temps obligatoire de décompression entre les incidents critiques, et des soins psychologiques à long terme.”
Quelques progrès ont émergé. Le gouvernement provincial a récemment alloué 1,7 million de dollars à un programme pilote axé sur des initiatives de santé mentale pour les premiers répondants. Le programme établira des réseaux de soutien par les pairs et fournira des options de thérapie spécialisées tenant compte des traumatismes, spécifiquement conçues pour le personnel d’urgence.
Le ministre de la Santé, Everett Hindley, a reconnu la crise lors d’une conférence de presse la semaine dernière: “Nos premiers répondants sont présents pour les résidents de la Saskatchewan durant leurs moments les plus vulnérables. Nous reconnaissons notre responsabilité de veiller à ce qu’ils reçoivent le soutien dont ils ont besoin en retour.”
Pour les ambulanciers comme Troy Davies, qui travaille à la fois comme intervenant de première ligne et auprès de Medavie Health Services West, ces initiatives représentent un début prometteur mais ne parviennent pas à résoudre les problèmes fondamentaux. “Nous avons besoin de solutions durables—de meilleurs ratios de personnel, des pauses obligatoires pour la santé mentale, et une culture qui encourage réellement à chercher de l’aide au lieu de simplement en parler,” souligne Davies.
Les histoires personnelles derrière les statistiques révèlent le coût humain. De nombreux ambulanciers décrivent leurs difficultés avec des troubles du sommeil, des problèmes relationnels et des problèmes de consommation de substances. Certains quittent complètement la profession, créant davantage de pénuries de personnel dans un cycle qui intensifie la pression sur ceux qui restent.
Andrea Howarth, qui a quitté les services paramédicaux après huit ans, décrit son point de rupture: “J’ai commencé à avoir des crises de panique simplement en mettant mon uniforme. Les traumatismes accumulés vous rattrapent—les décès d’enfants, les cas de violence conjugale, les patients âgés qui souffrent seuls. Quand j’ai réalisé que je ne pouvais pas dormir plus de deux heures sans cauchemars, j’ai su que je devais choisir entre le travail et ma santé mentale.”
Les soins aux patients en souffrent aussi. Les recherches de l’Institut canadien de recherche et de traitement en sécurité publique montrent que les premiers répondants qui souffrent de problèmes de santé mentale non traités sont plus susceptibles de faire des erreurs médicales et signalent une empathie diminuée—des résultats qu’aucun ambulancier ne souhaite.
Alors que la Saskatchewan est aux prises avec cette crise, la question devient de plus en plus urgente: comment une province qui dépend si crucialement de ces intervenants d’urgence peut-elle justifier un système qui les brise systématiquement? Le bien-être des ambulanciers paramédicaux et du public qu’ils servent est en jeu.