Le retrait de la taxe carbone fédérale a finalement eu un impact sur les chiffres de l’inflation au Canada, avec l’indice des prix à la consommation d’avril de Statistique Canada révélant les premiers effets mesurables de cette décision controversée d’Ottawa. Publiées mardi matin, les données montrent que l’inflation s’est refroidie à 2,7% — une baisse significative par rapport aux 2,9% de mars, rapprochant ainsi le taux de l’objectif convoité de 2% de la Banque du Canada.
Derrière cette modeste baisse des chiffres globaux se cache une histoire économique plus complexe. L’élimination temporaire de la taxe carbone fédérale sur le mazout de chauffage domestique, mise en œuvre en octobre dernier principalement pour bénéficier aux ménages du Canada atlantique, a commencé à se répercuter sur les données économiques. La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a défendu cette mesure comme un soulagement ciblé pour les Canadiens vulnérables qui luttent contre l’inflation persistante des biens essentiels.
“Cela représente un progrès significatif dans notre lutte contre l’inflation,” a noté le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, lors de sa comparution devant le comité parlementaire la semaine dernière. “Mais nous surveillons attentivement la volatilité mensuelle, particulièrement dans les coûts de logement et les prix alimentaires, qui continuent de peser sur les budgets des ménages.”
Les chiffres montrent de fortes différences régionales dans la façon dont l’inflation affecte les Canadiens. Les provinces atlantiques, où l’utilisation du mazout de chauffage est plus répandue, ont connu un plus grand soulagement grâce à la suspension de la taxe carbone. Pendant ce temps, les provinces de l’Ouest continuent de faire face à des taux d’inflation supérieurs à la moyenne, particulièrement dans les coûts de logement, qui ont résisté à la plupart des mesures de refroidissement mises en œuvre au cours de l’année dernière.
L’inflation alimentaire, qui s’était modérée, a montré des signaux mitigés en avril. Les prix d’épicerie ont augmenté de 1,4% par rapport à l’année précédente, tandis que les repas au restaurant ont augmenté de 4,2% — soulignant les défis persistants dans l’industrie de la restauration où les coûts de main-d’œuvre et les loyers commerciaux continuent d’augmenter. Cette divergence a laissé de nombreux restaurateurs pris entre l’augmentation des prix et la perte potentielle de clients.
Les coûts énergétiques, composantes typiquement volatiles des calculs d’inflation, ont diminué de 4,2% sur un an alors que les prix mondiaux du pétrole sont restés relativement stables et que les stocks de gaz naturel sont demeurés abondants. Cette modération des prix de l’énergie a fourni un contrepoids à l’inflation persistante du logement, qui continue de tourner à près du double du taux global.
Les économistes restent divisés sur la question de savoir si la Banque du Canada interprétera ces chiffres comme un progrès suffisant pour justifier des réductions de taux d’intérêt lors de leur réunion de juin. “La banque centrale veut voir un schéma soutenu de désinflation avant de faire des mouvements,” a expliqué Leslie Preston, économiste principale à la Banque TD. “Un mois d’amélioration, partiellement motivé par un changement de politique fiscale plutôt qu’un refroidissement économique sous-jacent, pourrait ne pas suffire à les convaincre.”
Les mesures d’inflation fondamentale étroitement surveillées par la Banque du Canada — qui éliminent les composantes volatiles — ont montré une amélioration moins spectaculaire, suggérant que les pressions sous-jacentes sur les prix restent élevées malgré la modération des chiffres globaux. Cette persistance de l’inflation fondamentale pourrait retarder l’allègement des taux d’intérêt que de nombreux détenteurs de prêts hypothécaires et entreprises attendent désespérément.
Pour les Canadiens ordinaires, le rapport sur l’inflation offre un bilan mitigé. Bien que la tendance générale aille dans la bonne direction, les dépenses essentielles comme le logement et la nourriture continuent de prendre une part disproportionnée des budgets des ménages. Des sondages récents indiquent que malgré les améliorations techniques dans les statistiques d’inflation, près de 68% des Canadiens rapportent encore ressentir une pression financière significative due à l’augmentation des coûts.
L’impact du retrait de la taxe carbone, bien que modeste dans le tableau général de l’inflation, représente un rare cas où la politique gouvernementale a directement et immédiatement influencé le taux d’inflation. Alors que la politique climatique et la gestion économique se croisent de plus en plus, les Canadiens peuvent s’attendre à davantage de décisions politiques qui tentent d’équilibrer les objectifs environnementaux avec les préoccupations liées au coût de la vie.
Ce qui reste incertain, c’est combien de temps cette tendance désinflationniste se poursuivra, et si elle sera suffisante pour déclencher les réductions de taux d’intérêt que les entreprises, les propriétaires et les consommateurs attendent avec impatience. La réponse pourrait déterminer non seulement la politique économique, mais aussi les fortunes politiques, dans les mois à venir.