Unifor exhorte Ottawa à pénaliser les entreprises délocalisant les emplois canadiens

Olivia Carter
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Dans une remise en question audacieuse de la politique industrielle actuelle, Unifor pousse le gouvernement fédéral à mettre en place des pénalités financières contre les entreprises qui délocalisent leur production hors du Canada, soutenant que les incitatifs financés par les contribuables devraient s’accompagner d’obligations plus strictes de maintenir les emplois canadiens.

Le plus grand syndicat du secteur privé du pays a transmis ce message à Ottawa la semaine dernière lors des consultations prébudgétaires, avertissant que le secteur manufacturier canadien est de plus en plus vulnérable alors que les entreprises reçoivent de généreuses subventions gouvernementales pour ensuite déplacer leurs activités à l’étranger lorsque des opportunités plus rentables se présentent.

“Nous avons observé ce schéma troublant à maintes reprises,” a déclaré Lana Payne, présidente nationale d’Unifor, lors d’une conférence de presse à Toronto. “Les entreprises acceptent volontiers les fonds publics pendant les périodes difficiles, puis abandonnent les travailleurs canadiens une fois que leurs bilans s’améliorent. Ce cycle doit cesser.”

La proposition du syndicat survient dans un contexte d’inquiétudes croissantes concernant la compétitivité industrielle du Canada, particulièrement dans le secteur automobile où les incitatifs gouvernementaux sont devenus des outils essentiels pour attirer et retenir les installations de fabrication. Les récents investissements fédéraux et provinciaux comprennent des milliards pour la transformation des installations en vue de la production de véhicules électriques, Stellantis-LG Energy Solution ayant reçu jusqu’à 15 milliards de dollars pour leur usine de batteries à Windsor.

Cependant, ces investissements n’ont pas empêché d’autres pertes de production importantes. En janvier 2023, Stellantis a éliminé un quart de travail à son usine d’assemblage de Windsor, affectant environ 1 800 travailleurs. L’entreprise a également annoncé son intention de mettre fin à la production de la Chrysler 300, tandis que General Motors abandonne progressivement la production de la Chevrolet Bolt à son usine d’assemblage d’Orion au Michigan, qui emploie de nombreux travailleurs canadiens dans la chaîne d’approvisionnement.

Les experts de l’industrie pointent vers un problème systémique : les entreprises peuvent accepter l’argent public sans garanties suffisantes pour la stabilité des emplois à long terme. Selon Statistique Canada, le secteur manufacturier a perdu plus de 630 000 emplois depuis 2000, représentant près de 30 pour cent de la main-d’œuvre du secteur.

“Ce ne sont pas que des statistiques – elles représentent des communautés dévastées par les fermetures d’usines et les délocalisations,” a déclaré Jim Stanford, économiste et directeur du Centre pour le travail futur. “Lorsque les fonds publics subventionnent l’industrie privée, les Canadiens méritent des protections plus solides contre l’exode des entreprises.”

La proposition du syndicat suggère une échelle progressive de pénalités qui obligerait les entreprises à rembourser les incitatifs gouvernementaux si elles délocalisent leur production dans un certain délai après avoir reçu du soutien. Les pénalités diminueraient avec le temps, reconnaissant la légitimité de l’adaptation des entreprises tout en décourageant l’opportunisme à court terme.

Les groupes d’affaires, dont Manufacturiers et Exportateurs du Canada, ont exprimé des préoccupations concernant les pénalités potentielles, arguant qu’elles pourraient rendre le Canada moins attrayant pour les investissements. “Dans un environnement mondialement compétitif, les entreprises ont besoin de flexibilité,” a déclaré Dennis Darby, président de l’organisation. “Des restrictions supplémentaires pourraient pousser les investissements vers des juridictions avec moins de contraintes.”

Le ministre fédéral de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a reconnu les préoccupations du syndicat mais a souligné que les accords actuels comprennent déjà des garanties d’emploi. “Nous cherchons toujours à renforcer les protections pour les travailleurs canadiens tout en maintenant notre position concurrentielle,” a déclaré Champagne.

Les experts en politique économique notent que des mesures similaires existent dans plusieurs États américains, où des dispositions de “récupération” exigent que les entreprises remboursent les incitatifs fiscaux si les promesses de création ou de maintien d’emplois ne sont pas respectées. Cependant, la mise en œuvre de telles politiques à l’échelle nationale représente des défis complexes, particulièrement dans le cadre d’accords commerciaux internationaux qui limitent certaines formes de politique industrielle.

Alors que la concurrence mondiale pour la fabrication s’intensifie, particulièrement dans les secteurs émergents comme les technologies propres et les véhicules électriques, la tension entre l’attraction d’investissements et la sécurisation d’engagements à long terme ne fera que croître. Le gouvernement fédéral doit maintenant déterminer si des mesures de responsabilisation plus strictes protégeraient les emplois canadiens ou risqueraient de faire fuir les investissements mêmes qu’ils cherchent à attirer.

Alors qu’Ottawa prépare son prochain budget, prévu pour le printemps 2024, une question fondamentale demeure : Comment le Canada peut-il équilibrer la flexibilité des entreprises avec la responsabilité des investissements publics dans une ère de transformation industrielle rapide?

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