Le modeste sac plastique pour fruits et légumes—ce contenant transparent et fragile qui berce vos pommes et carottes—est devenu un champ de bataille inattendu dans la guerre canadienne contre les plastiques à usage unique. En me promenant la semaine dernière dans le Marché Kensington de Toronto, je n’ai pu m’empêcher de remarquer le nombre croissant de clients armés de sacs réutilisables en filet, une rébellion petite mais significative contre les quelque 3,2 milliards de sacs plastiques que les Canadiens jettent chaque année.
“C’est le gaspillage inutile qui me dérange,” explique Mira Chen, une cliente de 34 ans que j’ai rencontrée alors qu’elle plaçait soigneusement des choux de Bruxelles dans un sac en coton. “Ces sacs plastiques ont une durée de vie utile d’environ 20 minutes, puis ils deviennent des déchets pour des siècles.”
L’interdiction fédérale des plastiques à usage unique, qui s’attaque aux sacs d’épicerie et aux pailles, a manifestement laissé les sacs à fruits et légumes de côté. Cette lacune réglementaire a déclenché un mouvement populaire de consommateurs et de détaillants qui développent des alternatives innovantes pour répondre à ce que Environnement Canada estime être près de 15 000 tonnes de déchets plastiques générés annuellement par les sacs à fruits et légumes.
Plusieurs détaillants canadiens proposent des solutions à ce flux de déchets persistant. Loblaws a élargi son programme pilote offrant des sacs lavables en filet à 2,50 $ dans certains magasins, tandis que Sobeys a introduit des alternatives compostables dans ses rayons de produits biologiques. Selon des études de marché récentes, les ventes de sacs réutilisables pour fruits et légumes ont augmenté de 67 % au cours de l’année dernière chez les principaux détaillants canadiens.
Ce qui est particulièrement encourageant, c’est la diversité des alternatives maintenant disponibles. BeeGoods, une entreprise basée à Vancouver, connaît un énorme succès avec ses sacs en coton enduits de cire d’abeille qui prolongent la durée de vie des produits frais tout en éliminant les déchets plastiques. “Nous avons expédié plus de 100 000 unités depuis notre lancement en 2022,” note la fondatrice Samantha Peng. “Les consommateurs sont clairement prêts pour des alternatives durables.”
Le mouvement zéro déchet a également influencé le paysage commercial. Des magasins comme NU Grocery à Ottawa et Nada à Vancouver ont complètement éliminé les sacs à fruits et légumes, encourageant les clients à apporter leurs propres contenants ou à utiliser des sacs en papier fournis si nécessaire. Ce modèle s’est avéré financièrement viable, les deux détaillants signalant une croissance constante malgré les inquiétudes initiales concernant la résistance des consommateurs.
L’innovation technologique stimule davantage de progrès. La startup montréalaise EcoFibre a développé un sac hydrosoluble qui se dissout complètement dans votre évier après utilisation, ne laissant aucun microplastique. Bien qu’actuellement vendu à un prix plus élevé, l’entreprise prévoit une diminution des coûts de 40 % à mesure que la production augmentera au cours des deux prochaines années.
La transition n’a pas été sans défis. Une enquête menée par le Conseil canadien du commerce de détail a révélé que si 78 % des consommateurs expriment leur préoccupation concernant les sacs plastiques pour fruits et légumes, seulement 22 % apportent régulièrement des alternatives. La sensibilité au prix reste un obstacle, de nombreux clients étant réticents à investir dans des options réutilisables malgré leurs avantages économiques et environnementaux à long terme.
Certaines municipalités canadiennes ont devancé la réglementation fédérale. Victoria et Vancouver ont toutes deux inclus les sacs à fruits et légumes dans leurs règlements interdisant le plastique, qui entreront en vigueur en janvier 2026, créant une mosaïque de réglementations qui, selon les observateurs de l’industrie, pourrait accélérer les changements de politique nationale.
Le contexte international ajoute une pression supplémentaire pour l’action canadienne. La France a interdit les sacs plastiques pour fruits et légumes en 2017, tandis que la Nouvelle-Zélande mettra en œuvre des restrictions similaires l’année prochaine. Ces précédents démontrent la faisabilité de la transition hors des plastiques à usage unique dans ce contexte.
Pour ceux qui souhaitent faire la transition, les options abondent. Au-delà des alternatives commerciales, les approches DIY ont gagné en popularité grâce aux médias sociaux. Les t-shirts recyclés transformés en sacs pour fruits et légumes et les taies d’oreiller réutilisées sont devenus des solutions tendance partagées sur des plateformes comme TikTok et Instagram, normalisant davantage les habitudes d’achat sans plastique.
Alors que le Canada continue de naviguer dans sa relation complexe avec les déchets plastiques, le rayon fruits et légumes représente un microcosme de défis et d’opportunités plus larges. Le simple acte de choisir comment nous transportons nos fruits et légumes reflète un changement profond dans la conscience des consommateurs et les dynamiques du marché. À mesure que ces alternatives continuent de prendre de l’ampleur, une question devient de plus en plus pertinente : dans un monde d’alternatives innovantes et accessibles, pouvons-nous justifier notre dépendance continue aux sacs plastiques à usage unique pour les fruits et légumes?