Les Américains supportent depuis longtemps le fardeau de payer substantiellement plus cher pour leurs médicaments sur ordonnance que les patients d’autres pays développés. Cette réalité pourrait bientôt changer, l’administration Biden ayant dévoilé mercredi de nouvelles propositions radicales qui forceraient les compagnies pharmaceutiques à aligner leurs prix américains sur ceux qu’elles pratiquent dans des pays comme le Canada, la France et l’Allemagne.
Les Centres pour les services Medicare et Medicaid (CMS) ont présenté un projet de directive qui mettrait en œuvre des dispositions clés de la Loi sur la réduction de l’inflation de 2022, révolutionnant potentiellement la façon dont les prix des médicaments sont négociés et établis sur le marché américain.
“Pendant des décennies, les Américains ont payé deux à trois fois plus que les citoyens d’autres pays pour exactement les mêmes médicaments,” a déclaré le secrétaire à la Santé Xavier Becerra lors de l’annonce. “Ce déséquilibre a forcé de nombreuses familles à choisir entre des traitements vitaux et des nécessités de base comme la nourriture et le logement.”
Dans le cadre proposé, le Département de la Santé et des Services sociaux considérerait les données de prix internationaux comme un facteur critique lors des négociations de coûts pour les médicaments à fortes dépenses couverts par Medicare, le programme fédéral d’assurance santé qui dessert plus de 65 millions d’Américains âgés et handicapés. La directive couvre les dix premiers médicaments sélectionnés pour les négociations de prix, incluant des anticoagulants et des traitements pour le diabète qui représentent des milliards de dollars de dépenses annuelles pour Medicare.
La réaction de l’industrie pharmaceutique a été rapide et prévisible. PhRMA, principal groupe commercial de l’industrie, a condamné cette politique comme une “fixation gouvernementale des prix” qui étoufferait l’innovation et limiterait l’accès des patients aux traitements révolutionnaires.
“Cette approche ne reconnaît pas l’écosystème unique qui fait des États-Unis le leader mondial en matière de découverte médicale,” a déclaré Stephen Ubl, PDG de PhRMA. “Contraindre artificiellement les prix en se basant sur des marchés internationaux avec des systèmes de santé gérés par le gouvernement réduira inévitablement les investissements en recherche et développement.”
Les économistes de la santé offrent une perspective plus nuancée. Dr. Rachel Sachs, professeure de politique de santé à l’Université de Washington, a expliqué que le modèle de référencement international des prix a été mis en œuvre avec succès dans de nombreux pays.
“Ce qui est remarquable dans cette approche, c’est qu’elle n’impose pas simplement les prix étrangers au marché américain,” a expliqué Sachs. “Elle les utilise plutôt comme point de référence pour les négociations, reconnaissant que ces mêmes entreprises parviennent à rester rentables tout en pratiquant des prix nettement inférieurs ailleurs.”
La proposition de politique arrive dans un contexte de préoccupation bipartisane croissante concernant le coût des médicaments sur ordonnance. Une récente enquête de la Fondation Kaiser Family a révélé que 83% des Américains sont favorables à permettre au gouvernement fédéral de négocier des prix de médicaments plus bas, avec un soutien traversant les clivages politiques.
Pour les observateurs canadiens, ce développement présente un tournant intéressant, car la tarification pharmaceutique a longtemps été un point de discorde dans les relations américano-canadiennes. Les Américains traversent fréquemment la frontière pour acheter des médicaments à des prix nettement réduits, tandis que l’industrie pharmaceutique a fait pression sur Washington pour exiger des prix canadiens plus élevés lors des négociations commerciales.
Les règles proposées entrent maintenant dans une période de commentaires publics de 30 jours, avec des directives finales attendues d’ici l’automne. La mise en œuvre fera probablement face à des contestations juridiques, l’industrie pharmaceutique ayant déjà entamé des litiges contre d’autres aspects des dispositions sur les prix des médicaments de la Loi sur la réduction de l’inflation.
Alors que cette politique évolue, la question fondamentale demeure: si les compagnies pharmaceutiques peuvent vendre rentablement des médicaments à des prix inférieurs dans tout le monde développé, quelle justification reste-t-il pour faire payer aux patients américains des multiples de ces prix? La réponse pourrait remodeler le paysage pharmaceutique pour les décennies à venir.