L’économie canadienne se trouve à un carrefour précaire alors que d’éminents économistes et institutions financières sonnent l’alarme concernant une potentielle contraction économique en 2025. Derrière les vitrines étincelantes et les centres-villes animés, des signes avant-coureurs émergent, suggérant que la résilience économique du Canada pourrait faire face à son test le plus important des dernières années.
“Nous observons une confluence d’indicateurs préoccupants qui pointent vers une possible récession d’ici la mi-2025,” explique Dr. Amrita Singh, économiste en chef chez Groupe Financier Toronto. “La combinaison de pressions inflationnistes persistantes, de taux d’intérêt croissants et d’un pouvoir d’achat des consommateurs en déclin crée un scénario de tempête parfaite que les décideurs canadiens doivent aborder de toute urgence.”
Les données récentes de Statistique Canada révèlent des tendances inquiétantes sous la stabilité économique apparente. Les dépenses de consommation, qui représentent environ 60% du PIB canadien, ont montré un déclin constant sur trois trimestres consécutifs. Le volume des ventes au détail a diminué de 2,3% sur un an, tandis que les coûts de service de la dette des ménages ont atteint leur niveau le plus élevé depuis 2007.
La politique agressive de taux d’intérêt de la Banque du Canada, bien que nécessaire pour combattre l’inflation, a créé des vents contraires significatifs tant pour les propriétaires que pour les entreprises. Avec le ménage canadien moyen allouant désormais près de 15% de son revenu disponible au remboursement des dettes, les dépenses discrétionnaires se sont considérablement contractées dans de multiples secteurs.
“Ce que nous observons n’est pas simplement un ralentissement économique – ce sont potentiellement les premières étapes d’un cycle de récession,” avertit Michel Rodriguez, économiste principal. “La correction du marché immobilier à elle seule a effacé plus de 300 milliards de dollars de richesse des ménages depuis son sommet, et nous voyons cet impact se répercuter sur les indicateurs de confiance des consommateurs.”
Des facteurs internationaux aggravent ces défis domestiques. L’économie canadienne, dépendante des exportations, fait face à une pression significative due aux tensions commerciales mondiales et à la demande faiblissante de ses principaux partenaires commerciaux. Les États-Unis, destination d’environ 75% des exportations canadiennes, montrent leurs propres signes de fragilité économique avec une contraction manufacturière et un déclin des investissements commerciaux.
Le secteur des ressources, longtemps pilier de la stabilité économique canadienne, fait face à ses propres défis. Les producteurs d’énergie confrontent non seulement la volatilité des prix mais aussi les pressions de transition alors que les marchés mondiaux accélèrent vers des alternatives renouvelables. Ce changement structurel crée une incertitude supplémentaire pour les provinces fortement dépendantes des revenus des ressources.
“Nous sommes particulièrement préoccupés par les perspectives du marché du travail pour 2025,” note Jennifer Park, économiste du travail et chercheuse au Centre canadien de politiques alternatives. “Bien que le chômage reste relativement bas à 5,8%, nous observons des augmentations inquiétantes du chômage de longue durée et des statistiques de sous-emploi. La qualité des emplois s’est considérablement détériorée, avec plus de Canadiens travaillant plusieurs emplois pour maintenir leur niveau de vie.”
Les marchés financiers ont commencé à intégrer les risques de récession, l’indice composite TSX montrant une volatilité accrue et les secteurs défensifs surpassant les investissements orientés vers la croissance. Les marchés obligataires révèlent une courbe de rendement inversée – historiquement un indicateur fiable de récession – avec des titres gouvernementaux à court terme rapportant plus que les obligations à long terme depuis plus de quatre mois.
Les gouvernements provinciaux font face à des positions fiscales difficiles si une récession se matérialise. Après les augmentations de dépenses et les programmes de soutien de l’ère pandémique, de nombreuses provinces portent des niveaux d’endettement historiquement élevés avec une capacité limitée pour des stimuli supplémentaires. L’Ontario et la Colombie-Britannique, les provinces les plus peuplées du Canada, ont déjà annoncé des examens de dépenses et de possibles réductions de programmes en prévision de déficits de revenus.
Tous les économistes ne partagent cependant pas cette perspective pessimiste. “Bien que des risques existent certainement, les fondamentaux économiques du Canada restent relativement solides,” soutient Thomas Wilson, économiste principal chez RBC Marchés des Capitaux. “Notre système bancaire maintient de fortes positions en capital, l’immigration continue de soutenir la croissance démographique et la consommation, et les prix des matières premières offrent un certain tampon contre les chocs externes.”
La Banque du Canada fait face à son environnement politique peut-être le plus difficile depuis des décennies. De nouvelles hausses de taux d’intérêt risquent d’approfondir la contraction économique, tandis que des réductions prématurées pourraient raviver une inflation qui s’est avérée obstinément persistante. Ce délicat exercice d’équilibre laisse une marge minimale pour les erreurs politiques.
Pour la politique canadienne, les prévisions économiques créent des défis importants à l’approche d’éventuelles élections fédérales. Les partis au pouvoir obtiennent historiquement de mauvais résultats pendant les périodes de contraction économique, ce qui exerce une pression supplémentaire sur les décisions de politique fiscale tout au long de 2024.
Alors que les nouvelles mondiales continuent de mettre en évidence l’incertitude économique mondiale, les Canadiens font face à d’importantes questions concernant leur avenir économique : Les décideurs peuvent-ils orchestrer l’insaisissable “atterrissage en douceur”, ou la lutte agressive contre l’inflation fera-t-elle basculer l’économie dans la récession? Plus important encore, comment le Canada peut-il renforcer sa résilience économique pour résister aux tempêtes futures dans un paysage mondial de plus en plus imprévisible?