Dans une escalade dramatique des tensions entre les régulateurs gouvernementaux et les petits producteurs de bétail, les éleveurs d’autruches de Colombie-Britannique Alex et Mary Curwain font face à une arrestation potentielle s’ils ne quittent pas leur propriété d’ici mardi. L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) a émis cet ultimatum après que le couple ait refusé de se conformer aux ordres d’abattage de leur troupeau de 100 autruches suite à un cas unique de grippe aviaire détecté sur leur ferme le mois dernier.
“Ce n’est pas seulement notre gagne-pain—c’est aussi nos droits en tant qu’agriculteurs et Canadiens,” m’a confié Mary Curwain lors d’une entrevue exclusive sur leur propriété rurale près d’Armstrong, C.-B. “Nous avons consacré 25 ans à bâtir cette exploitation, et maintenant on nous menace d’arrestation pour avoir protégé des animaux qui ne présentent aucun signe de maladie.”
La confrontation met en lumière les frictions croissantes entre les organismes de réglementation fédéraux et les producteurs agricoles à travers le Canada. Selon les protocoles de l’ACIA, un seul cas confirmé de grippe aviaire déclenche généralement un abattage obligatoire de tous les oiseaux sur les lieux touchés pour prévenir la propagation de la maladie. Cependant, les Curwain contestent cette approche, arguant que leurs autruches—contrairement aux poulets—maintiennent une distance physique importante les unes des autres et ne présentent aucun symptôme.
Les registres agricoles provinciaux indiquent que l’exploitation des Curwain représente l’une des trois dernières fermes commerciales d’autruches restantes en Colombie-Britannique, reflétant le déclin de cette industrie depuis son apogée à la fin des années 1990. Leur résistance a recueilli le soutien de groupes de défense agricole et d’organisations de libertés civiles préoccupées par l’excès réglementaire.
“Les méthodes d’application de l’ACIA soulèvent de sérieuses questions sur la proportionnalité et les droits des agriculteurs,” a déclaré la Dre Sandra Nolan, experte en politique agricole de l’Université de Colombie-Britannique. “Bien que le contrôle des maladies soit essentiel, nous devons examiner si des protocoles uniformes répondent adéquatement aux réalités biologiques des différentes espèces et exploitations agricoles.”
Cette impasse survient dans un contexte de préoccupations accrues concernant la grippe aviaire en Amérique du Nord. Les données gouvernementales montrent que la Colombie-Britannique a enregistré 47 cas dans des élevages commerciaux et des basses-cours depuis avril, un chiffre nettement supérieur à celui de l’année précédente. Les responsables de l’ACIA maintiennent que leurs protocoles sont fondés sur la science et nécessaires pour protéger à la fois l’industrie agricole au sens large et la santé publique.
“Ces mesures ne sont pas mises en œuvre à la légère,” a déclaré Thomas Keller, directeur régional de l’ACIA, dans un communiqué. “Notre approche mandatée pour la grippe aviaire hautement pathogène est conforme aux normes internationales et conçue pour prévenir des épidémies potentiellement catastrophiques.”
Pour les Curwain, les implications financières sont graves. Leur troupeau, évalué à environ 400 000 $, représente non seulement leur principale source de revenus, mais aussi leur sécurité de retraite. Le couple affirme que l’indemnisation gouvernementale couvrirait moins de la moitié de leurs pertes réelles en tenant compte de la valeur du stock reproducteur et du potentiel de revenus futurs.
La ferme est devenue un point de friction pour des débats plus larges sur la politique agricole et l’autonomie rurale. Des partisans locaux ont établi une présence continue sur la propriété, certains s’engageant à empêcher physiquement les agents de l’ACIA d’accéder à la ferme.
“Les petits producteurs sont évincés par des réglementations conçues pour l’agriculture industrielle,” a déclaré Elaine Morrison, agricultrice voisine qui a rejoint le groupe de soutien des Curwain. “Si nous perdons des fermes familiales diversifiées comme celle-ci, nous compromettons notre souveraineté alimentaire et notre résilience régionale.”
Les responsables de l’ACIA et les représentants de la GRC ont refusé de commenter les plans d’application spécifiques, mais ont confirmé que l’obstruction aux inspecteurs fédéraux constitue une infraction criminelle. Des experts juridiques notent que les options d’appel des Curwain se sont considérablement réduites depuis qu’ils n’ont pas respecté l’ordre initial émis le 28 août.
À l’approche de l’échéance de mardi, la question demeure de savoir si cette confrontation représente un incident isolé ou signale un décalage plus profond entre les régulateurs agricoles et les communautés agricoles qu’ils supervisent. Comment équilibrer les mesures nécessaires de contrôle des maladies avec l’importance économique et culturelle des exploitations agricoles diverses dans le Canada rural?