Dans un geste significatif qui témoigne de l’engagement du Canada à moderniser ses capacités navales, le premier ministre Justin Trudeau a visité hier le chantier naval de ThyssenKrupp Marine Systems à Kiel, en Allemagne, marquant une avancée cruciale dans l’initiative d’approvisionnement en sous-marins du pays. Cette visite représente plus qu’une courtoisie diplomatique—elle souligne que le Canada considère sérieusement le fabricant allemand comme l’un des deux seuls fournisseurs qualifiés dans la compétition à enjeux élevés pour remplacer la flotte vieillissante de sous-marins de classe Victoria du Canada.
“Les défis de sécurité auxquels nous faisons face au 21e siècle exigent des capacités navales modernes qui peuvent protéger notre souveraineté sur trois océans,” a déclaré Trudeau lors de la visite du chantier. “Cet approvisionnement ne concerne pas seulement des actifs militaires—il s’agit d’assurer la place du Canada dans un paysage sécuritaire mondial en rapide évolution.”
Le projet d’approvisionnement, estimé entre 15 et 20 milliards de dollars, s’est réduit à deux candidats européens: ThyssenKrupp Marine Systems d’Allemagne et Naval Group de France. Les deux fabricants apportent des avantages technologiques distinctifs, le Type 212CD allemand offrant des systèmes de propulsion indépendants de l’air avancés qui permettent des opérations sous-marines prolongées sans faire surface, tandis que les sous-marins français de classe Barracuda présentent des capacités supérieures d’intégration d’armement.
Les analystes de la défense notent que cette décision d’approvisionnement revêt une importance particulière étant donné l’état de détérioration de la flotte actuelle de sous-marins du Canada. L’amiral James Davidson, ancien commandant de la Marine royale canadienne, a déclaré à CO24 News que “les quatre sous-marins de classe Victoria du Canada, achetés au Royaume-Uni en 1998, ont connu des problèmes mécaniques persistants et une disponibilité opérationnelle limitée. La nouvelle flotte représenterait un bond quantique en matière de capacité.”
L’acquisition de sous-marins survient dans un contexte de tensions croissantes dans l’Arctique, où la Russie a accru sa présence militaire et la Chine s’est déclarée “État quasi-arctique.” Les experts en sécurité nationale suggèrent que le moment est crucial pour la stratégie de défense du Canada.
“Les capacités sous-marines sont particulièrement précieuses dans le contexte arctique,” a expliqué Dr. Margaret Chen, analyste de politique de défense à l’Institut canadien des affaires mondiales. “Ces navires peuvent opérer sous la couverture glaciaire, recueillir des renseignements et maintenir une présence stratégique d’une façon que les navires de surface ne peuvent simplement pas faire.”
Les considérations économiques figurent également en bonne place dans la décision d’approvisionnement. Les deux fabricants en compétition se sont engagés à offrir d’importants avantages industriels pour le Canada, avec des estimations préliminaires suggérant la création d’environ 2 000 emplois hautement qualifiés dans les industries maritimes du pays sur la durée de vie du projet.
Le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a souligné les dimensions économiques en parlant à CO24 Business: “Au-delà des avantages essentiels en matière de sécurité, cet approvisionnement représente une opportunité générationnelle pour faire progresser le secteur de la technologie marine du Canada et créer des emplois durables à haute valeur ajoutée.”
Le calendrier d’approvisionnement prévoit une décision finale d’ici mi-2026, avec le premier nouveau sous-marin devant entrer en service d’ici 2035 – un calendrier que les experts navals ont qualifié d’ambitieux mais nécessaire étant donné l’état de détérioration de la flotte actuelle.
Les critiques de l’opposition ont remis en question à la fois le coût et le calendrier. Le critique conservateur en matière de défense, James Bezan, a noté que “bien que la nécessité de nouveaux sous-marins soit claire, les Canadiens méritent l’assurance que cet approvisionnement évitera les retards et dépassements de coûts qui ont affecté les acquisitions militaires majeures précédentes.”
La visite du chantier naval allemand par le premier ministre comprenait des séances d’information approfondies sur les méthodes de construction, les capacités technologiques et les exigences d’entretien – des facteurs qui influenceront fortement la décision finale d’approvisionnement. Trudeau a été photographié en train d’examiner une section de coque de sous-marin Type 212 tout en discutant des spécifications techniques avec des ingénieurs.
Alors que le Canada avance dans cet approvisionnement crucial pour la défense, la question fondamentale demeure: le pays peut-il naviguer avec succès à travers les considérations technologiques, stratégiques et fiscales complexes pour livrer cette capacité navale critique dans les délais et le budget prévus? Pour une nation maritime avec le plus long littoral du monde, les enjeux ne pourraient guère être plus élevés.