Le rêve d’accéder à la propriété au Canada dépend de plus en plus du soutien financier des membres de la famille, selon un nouveau sondage révélateur de Royal LePage. Alors que l’abordabilité du logement atteint des niveaux critiques dans tout le pays, près de 60 % des acheteurs potentiels considèrent désormais qu’une aide pour leur mise de fonds n’est pas seulement utile, mais essentielle pour entrer sur le marché immobilier.
Le sondage national, qui a recueilli les réponses d’acheteurs potentiels dans les grands centres urbains, dresse un tableau sobre des défis d’accessibilité au logement au Canada. Pour les premiers acheteurs en particulier, les résultats révèlent que l’accumulation de fonds suffisants pour une mise de fonds représente l’obstacle le plus important à l’accession à la propriété, devançant les préoccupations concernant l’admissibilité à un prêt hypothécaire ou l’abordabilité des paiements mensuels.
“Ce que nous observons est un changement fondamental dans la façon dont les Canadiens abordent l’achat d’une maison,” explique Karen Yolevski, directrice des opérations chez Royal LePage. “Il y a une génération, épargner pour une mise de fonds était difficile mais réalisable grâce à une planification financière disciplinée. Aujourd’hui, avec le prix médian des maisons ayant augmenté de près de 150 % dans de nombreux marchés urbains au cours de la dernière décennie, ce chemin est devenu pratiquement impossible pour de nombreux Canadiens qui travaillent sans soutien externe.”
Le sondage indique que les membres de la famille – principalement les parents et grands-parents – sont devenus des acteurs essentiels dans le processus d’achat immobilier. À Vancouver et Toronto, où les prix moyens des maisons figurent systématiquement parmi les plus élevés d’Amérique du Nord, le pourcentage d’acheteurs nécessitant une aide pour la mise de fonds atteint près de 70 %. Cette réalité financière crée ce que les économistes décrivent comme un “transfert de richesse générationnel” qui se produit plus tôt dans la vie qu’observé précédemment.
“Nous voyons des parents qui liquident des investissements ou refinancent leur propre maison pour aider leurs enfants adultes à entrer sur le marché,” note Benjamin Tal, économiste en chef adjoint à CIBC Capital Markets. “Cela crée une dynamique préoccupante où l’accession à la propriété devient de plus en plus un privilège déterminé par la richesse familiale plutôt que par la capacité financière individuelle.”
Les effets s’étendent au-delà des familles individuelles pour affecter des modèles économiques plus larges. Le sondage révèle que 42 % des répondants ont retardé des décisions importantes de vie – y compris le mariage, avoir des enfants ou changer de carrière – spécifiquement en raison des défis d’abordabilité du logement. Ce changement démographique a des implications importantes pour les communautés, les dépenses de consommation et la croissance économique.
Les programmes gouvernementaux conçus pour aider les premiers acheteurs, comme l’Incitatif à l’achat d’une première propriété et le Régime d’accession à la propriété, ont été perçus favorablement par les répondants mais largement considérés comme insuffisants compte tenu des conditions actuelles du marché. Près de 75 % ont indiqué que des interventions politiques plus substantielles seraient nécessaires pour résoudre de manière significative les problèmes d’abordabilité.
Des variations régionales sont apparues dans les données. Le Canada atlantique a montré la plus faible dépendance à l’aide familiale (44 %), tandis que la Colombie-Britannique était en tête de liste avec 68 %. Le Québec et l’Alberta se situaient dans la moyenne, avec respectivement 52 % et 55 % des répondants déclarant qu’une aide financière serait nécessaire pour leur achat immobilier.
Le sondage a également révélé un fossé générationnel dans les attitudes envers l’aide à l’achat immobilier. Alors que 63 % des millennials se disent à l’aise de recevoir une aide financière de leur famille, seulement 48 % des répondants de la génération X ressentaient la même chose, suggérant différentes perspectives sur l’indépendance financière selon les groupes d’âge.
Les experts de l’industrie avertissent que cette tendance pourrait exacerber davantage les inégalités de richesse au Canada. Les familles sans capital immobilier accumulé ou sans actifs liquides à partager font face à des options de plus en plus limitées pour aider leurs enfants à entrer sur le marché immobilier, ce qui pourrait mener à un écart socioéconomique plus prononcé dans les taux d’accession à la propriété.
Alors que les décideurs politiques et les parties prenantes de l’industrie assimilent ces résultats, la question fondamentale demeure : l’accession à la propriété au Canada s’est-elle transformée d’un jalon réalisable basé sur l’effort individuel à un privilège de plus en plus déterminé par la capacité financière familiale? Et si c’est le cas, qu’est-ce que cela signifie pour l’avenir des communautés canadiennes et l’idéal de longue date de la propriété comme pierre angulaire de la sécurité financière de la classe moyenne?