Dans une décision qui a relancé le débat sur les lois canadiennes relatives aux infractions routières, la Cour suprême du Canada a annoncé jeudi qu’elle n’ordonnera pas de nouveau procès pour un automobiliste de Vancouver précédemment acquitté de conduite dangereuse dans la mort d’un bambin de 23 mois survenue en 2021.
La décision de la plus haute cour met fin à une bataille juridique qui a commencé il y a trois ans lorsque le véhicule de Michael Tan a heurté et tué Ocean Chen alors que la mère du bambin le poussait dans une poussette sur un passage piéton marqué dans le quartier Kitsilano de Vancouver.
“Cette affaire représente l’équilibre incroyablement difficile que notre système judiciaire doit trouver entre la tragédie et la responsabilité juridique,” a déclaré l’avocate de la défense Melissa Greenberg, qui n’était pas impliquée dans l’affaire mais a traité des cas similaires. “La décision de la Cour suprême confirme que tous les accidents tragiques, même ceux aux conséquences dévastatrices, ne constituent pas un comportement criminel.”
Tan avait initialement été accusé de conduite dangereuse ayant causé la mort, mais a été acquitté en 2023 lorsque le juge du procès a statué que ses actions, bien que négligentes, n’atteignaient pas le seuil plus élevé de négligence criminelle requis pour une condamnation pour conduite dangereuse en vertu du Code criminel. Les procureurs avaient soutenu que Tan était distrait par son téléphone et n’avait pas correctement vérifié l’intersection avant de s’engager.
La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a maintenu l’acquittement l’année dernière, ce qui a incité la Couronne à faire appel devant la Cour suprême, qui a maintenant refusé d’intervenir, finalisant ainsi l’acquittement de Tan.
Les experts juridiques soulignent que cette affaire met en lumière la distinction entre la négligence civile et la conduite dangereuse au sens criminel. Selon la loi canadienne, la conduite dangereuse nécessite la preuve d’un “écart marqué” par rapport à la norme de diligence attendue d’un conducteur raisonnable, et non simplement d’un manque d’attention momentané.
“Les tribunaux ont constamment reconnu que le droit pénal est réservé aux comportements qui représentent un écart significatif par rapport au comportement de conduite normal,” a expliqué Dr. Simon Fraser, professeur de droit à l’Université de Toronto. “Les recours civils demeurent disponibles pour les familles dans ces situations tragiques, même lorsque la responsabilité pénale n’est pas établie.”
La décision a suscité des appels à une réforme législative de la part des défenseurs de la sécurité routière. Vision Zéro Canada, un organisme dédié à l’élimination des décès sur la route, a exhorté le Parlement à envisager la création d’infractions intermédiaires qui combleraient l’écart entre les infractions provinciales au code de la route et la conduite dangereuse criminelle.
“Il y a actuellement un écart trop important entre une contravention routière et une condamnation criminelle,” a déclaré Elaine Wong, coordonnatrice de Vision Zéro pour la Colombie-Britannique. “Quand une vie est perdue, particulièrement celle d’un enfant, les familles méritent plus qu’un acquittement et une contravention.”
La famille Chen pourrait encore poursuivre une action civile contre Tan, bien que leurs représentants légaux aient refusé de commenter sur les procédures futures. Les affaires civiles fonctionnent selon une norme moins exigeante de “prépondérance des probabilités” plutôt que l’exigence criminelle de preuve au-delà de tout doute raisonnable.
Alors que les communautés à travers le Canada continuent de mettre en œuvre des mesures de sécurité pour les piétons, cette affaire soulève une question difficile : notre système juridique a-t-il créé une barre trop haute pour tenir les conducteurs responsables lorsque leurs actions entraînent une tragédie, ou réserve-t-il à juste titre les sanctions pénales aux comportements véritablement répréhensibles?