Alors que les étudiants retrouvent les campus universitaires canadiens cet automne, ils font face à une question qui dépasse le cadre académique : qu’y a-t-il au menu aujourd’hui ? La restauration universitaire—longtemps décriée pour ses pizzas grasses, ses frites molles et ses bars à salades sans inspiration—connaît une transformation majeure à travers le pays, les établissements reconnaissant de plus en plus le lien entre nutrition et performance académique.
“Ce que mangent les étudiants influence directement leur capacité à se concentrer, à retenir l’information et à gérer le stress,” explique Dre Miranda Chen, professeure en sciences nutritionnelles à l’Université de Toronto. “Les universités reconnaissent enfin que fournir des options alimentaires nutritives n’est pas un simple bonus—c’est une infrastructure essentielle à l’apprentissage.”
Ce changement survient alors que des recherches récentes de l’Université McGill révèlent que les étudiants qui consomment des repas équilibrés rapportent une meilleure concentration pendant les cours et les sessions d’étude. L’étude, qui a suivi 500 étudiants de premier cycle dans cinq universités canadiennes, a constaté que ceux ayant accès à des options alimentaires nutritives sur le campus obtenaient des résultats supérieurs de 12 % aux tests de performance cognitive.
À l’Université de Colombie-Britannique, la transformation a commencé il y a cinq ans lorsque des groupes de défense des étudiants ont réussi à faire pression pour une refonte complète des services de restauration. Aujourd’hui, les cafétérias de l’UBC proposent des ingrédients locaux, des options végétales et des informations nutritionnelles détaillées pour chaque plat. L’université a également mis en place une initiative de “sécurité alimentaire” qui garantit l’abordabilité en plus de la nutrition.
“Nous avons dépassé l’ancien modèle où manger sainement signifiait manger cher,” affirme Jamal Ibrahim, directeur des services alimentaires de l’UBC. “Notre objectif est d’offrir des repas nutritifs que les étudiants peuvent réellement se permettre avec des budgets serrés.”
L’aspect financier demeure essentiel dans la conversation nationale sur la nutrition en milieu universitaire. Selon Statistique Canada, l’étudiant canadien moyen de premier cycle dépense environ 3 200 $ par an en nourriture, ce qui représente une part importante de son budget. Cette réalité a poussé les universités à développer des approches créatives pour maintenir l’accessibilité des options saines.
L’Université Dalhousie à Halifax a lancé un marché de produits frais à “prix libre” sur le campus, tandis que l’Université de l’Alberta s’associe avec des agriculteurs locaux pour fournir des légumes de saison à prix réduits. Pendant ce temps, l’Université Queen’s a développé une application de repas qui aide les étudiants à suivre leur apport nutritionnel et leur budget simultanément.
Malgré ces innovations, des défis persistent. Les contrats de services alimentaires dans de nombreux établissements restent entre les mains de grandes entreprises qui privilégient les marges bénéficiaires à la nutrition. Des groupes étudiants de plusieurs universités, dont McMaster et Concordia, continuent de militer pour une plus grande transparence dans l’approvisionnement et la préparation des aliments.
“Nous luttons toujours contre le modèle fondamental où le service alimentaire est considéré principalement comme une source de revenus,” explique Amira Patel, présidente de l’Alliance canadienne pour la nutrition étudiante. “Les universités doivent considérer l’alimentation comme faisant partie de leur mission éducative, pas seulement comme une opération commerciale.”
Les considérations climatiques sont également entrées dans l’équation alimentaire des campus. Un mouvement croissant pour une restauration universitaire durable a incité les universités à réduire le gaspillage alimentaire, minimiser les emballages et augmenter les options végétales. L’Université de Guelph se vante maintenant que 40 % de ses plats sont d’origine végétale, réduisant à la fois l’impact environnemental et les coûts alimentaires.
“Les étudiants d’aujourd’hui sont incroyablement conscients du lien entre leurs choix alimentaires et les changements climatiques,” note Dr Thomas Williams, coordinateur du développement durable à l’Université Simon Fraser. “Ils exigent des options de restauration qui correspondent à leurs valeurs en matière de protection de l’environnement.”
Alors que les universités canadiennes continuent de réimaginer leurs systèmes alimentaires, la question demeure : les établissements peuvent-ils équilibrer nutrition, abordabilité et durabilité tout en répondant aux préférences diverses des étudiants? La réponse pourrait déterminer non seulement la qualité de la restauration universitaire, mais aussi celle de l’éducation elle-même.