L’écart entre les promesses climatiques des entreprises et les réductions de carbone tangibles continue de se creuser au sein des entreprises canadiennes, révélant une déconnexion inquiétante dans le parcours du pays vers une économie à faibles émissions de carbone. Selon une analyse complète publiée hier par le Climate Disclosure Project (CDP), alors que 78 % des grandes entreprises canadiennes divulguent désormais volontairement leurs données d’émissions—une hausse par rapport aux 63 % de 2023—les réductions réelles d’émissions demeurent obstinément insaisissables.
« Nous observons une transparence sans précédent dans les rapports climatiques des entreprises, mais les chiffres racontent une histoire sobre », explique Dre Miranda Chen, directrice canadienne du CDP. « La divulgation n’est que la première étape. Sans réductions significatives des émissions suivant ces divulgations, nous ne faisons que documenter notre chemin vers l’échec climatique plutôt que de le prévenir. »
Le rapport a examiné 275 entreprises canadiennes cotées en bourse dans divers secteurs, constatant que malgré l’amélioration des mécanismes de rapport et l’augmentation des divulgations financières liées au climat, seulement 31 % ont démontré des réductions d’émissions d’une année à l’autre conformes à la trajectoire de 1,5 °C de l’Accord de Paris. Cela représente une amélioration marginale par rapport aux 27 % du cycle d’évaluation précédent.
Les entreprises d’énergie et d’extraction de ressources, qui représentent environ 37 % des émissions totales des entreprises canadiennes, ont montré l’écart le plus important entre la qualité des rapports et les réductions réelles d’émissions. Alors que 82 % utilisent désormais des cadres de rapport standardisés—une hausse par rapport aux 71 % de l’an dernier—seulement 23 % ont atteint leurs objectifs intérimaires de réduction des émissions.
Le secteur des services financiers s’est imposé comme un leader surprenant, les grandes banques canadiennes mettant en œuvre des évaluations des risques climatiques et des divulgations d’émissions financées plus robustes. Le Groupe TD et la Banque Royale du Canada ont reçu une reconnaissance particulière pour l’intégration des considérations climatiques dans leurs portefeuilles de prêts, bien que des questions subsistent quant à la vitesse de leur transition hors des investissements dans les combustibles fossiles.
« Les banques canadiennes ont considérablement amélioré leurs pratiques de divulgation climatique », note Samantha Pritchard, analyste en finance climatique à l’Institut Pembina. « Cependant, elles continuent de faire face à des critiques concernant le décalage entre leurs engagements publics en matière de climat et leur financement continu de projets à forte intensité de carbone. »
Le secteur manufacturier a démontré des résultats mitigés, les entreprises automobiles et de biens de consommation réalisant des progrès significatifs tant dans les rapports que dans les réductions réelles d’émissions. Notamment, Magna International a réalisé une réduction de 12 % des émissions opérationnelles grâce à des mesures d’efficacité énergétique et à l’approvisionnement en énergie renouvelable.
Les petites et moyennes entreprises continuent de traîner derrière les grandes sociétés, avec seulement 34 % publiant des données complètes sur les émissions—bien que cela représente une amélioration par rapport aux 26 % de 2024. Le rapport identifie les contraintes de ressources et la capacité technique comme les principaux obstacles empêchant une adoption plus large des rapports d’émissions parmi les plus petites entreprises.
Les exigences obligatoires de divulgation climatique du gouvernement fédéral, entrées en vigueur pour les grandes entreprises en janvier 2025, ont accéléré les améliorations en matière de rapports. Cependant, les critiques soutiennent que la divulgation seule est insuffisante sans objectifs contraignants de réduction des émissions et sans conséquences financières pour les entreprises qui ne réduisent pas leur empreinte carbone.
« Nous créons un système où les entreprises excellent à rapporter leurs échecs plutôt qu’à les prévenir », argumente Dr Nathan Hamlin, chercheur en politique climatique à l’Université de la Colombie-Britannique. « Sans mordant réglementaire derrière ces exigences de divulgation, elles risquent de devenir des mécanismes d’écoblanchiment élaborés. »
Au niveau régional, les entreprises basées en Colombie-Britannique démontrent le plus fort alignement entre la qualité des rapports et les réductions réelles d’émissions, tandis que les entreprises albertaines montrent la plus grande divergence—reflétant probablement les différentes structures économiques de ces provinces.
Le rapport se termine par des recommandations pour les décideurs politiques, notamment la mise en œuvre de mécanismes d’ajustement carbone aux frontières, des incitations financières plus fortes pour la décarbonisation, et des processus de vérification standardisés pour les allégations climatiques des entreprises.
Alors que le Canada approche ses échéances de réduction des émissions pour 2030, l’écart croissant entre la transparence climatique des entreprises et les réductions réelles de carbone soulève une question cruciale : avons-nous confondu l’outil de mesure avec la solution elle-même, et à quel moment une meilleure déclaration climatique sans action correspondante devient-elle une autre forme de théâtre environnemental des entreprises?