Dans une démarche sans précédent reflétant la crise croissante du système de santé canadien, l’Association médicale canadienne (AMC) a lancé un appel formel aux parlementaires, exigeant des actions immédiates concernant les réformes de santé promises depuis longtemps. Cet appel urgent survient alors que les services d’urgence des hôpitaux à travers le pays signalent un engorgement critique et que les temps d’attente pour les services essentiels atteignent des niveaux alarmants.
“Nous sommes témoins d’un système au bord de l’effondrement,” a déclaré la Dre Kathleen Ross, présidente de l’AMC, lors d’une conférence de presse hier à Ottawa. “Le temps des postures politiques est révolu. Les Canadiens méritent des actions concrètes concernant les promesses en matière de santé qui ont été répétées mais qui demeurent non tenues.”
L’appel de l’association met en évidence quatre domaines prioritaires nécessitant une attention immédiate. En tête de liste figure la pénurie critique de professionnels de la santé, avec près de six millions de Canadiens n’ayant actuellement pas accès à un médecin de famille. Cette pénurie a créé un dangereux effet domino dans tout le système, les patients se tournant de plus en plus vers des services d’urgence déjà débordés pour des soins primaires.
La proposition complète de l’AMC aborde également le besoin urgent de moderniser les infrastructures de santé. Selon leur analyse, de nombreux hôpitaux canadiens fonctionnent avec des installations et des technologies dépassées, certaines datant de plus de 50 ans. L’association estime qu’un investissement de 28 milliards de dollars serait nécessaire pour mettre les installations aux normes modernes.
“Nous ne pouvons pas offrir des soins de santé du 21e siècle dans des établissements construits pour une autre époque,” a expliqué la Dre Ross. “La modernisation ne concerne pas seulement les bâtiments—il s’agit de créer des environnements où les professionnels de la santé peuvent travailler efficacement et où les patients peuvent recevoir des soins dignes.”
Cet appel survient à un moment politiquement délicat, avec la reprise des travaux du Parlement dans un contexte de frustration croissante du public concernant l’accès aux soins de santé. Un récent sondage national a révélé que 78 % des Canadiens considèrent les soins de santé comme la question la plus pressante du pays, dépassant les préoccupations liées à l’inflation et à l’accessibilité au logement.
Le ministre de la Santé Mark Holland a reconnu les préoccupations de l’AMC mais a défendu l’approche du gouvernement. “Nous avons engagé 196 milliards de dollars de financement pour les soins de santé aux provinces au cours de la prochaine décennie,” a déclaré Holland. “Cependant, nous reconnaissons que l’argent seul n’est pas la solution—une réforme systémique doit accompagner ces investissements.”
Les chefs de l’opposition ont rapidement critiqué la réponse du gouvernement. Le porte-parole conservateur en matière de santé, Stephen Ellis, a qualifié la situation “d’urgence nationale nécessitant un leadership fédéral immédiat,” tandis que le chef du NPD, Jagmeet Singh, a souligné que son parti continue de pousser pour l’expansion des programmes d’assurance-médicaments et de soins dentaires.
Les ministres provinciaux de la santé doivent se réunir le mois prochain pour discuter des stratégies de mise en œuvre des engagements de financement fédéral. Toutefois, les tensions demeurent vives concernant les mesures de responsabilisation attachées à ces fonds, plusieurs provinces résistant à ce qu’elles décrivent comme un empiétement fédéral sur leur compétence constitutionnelle.
L’intervention de l’AMC représente une escalade significative dans le plaidoyer d’une organisation traditionnellement mesurée. Les experts en politique de santé notent que de tels appels directs au Parlement de la part de la communauté médicale ont historiquement précédé des réformes majeures de la santé.
Alors que les Canadiens continuent de faire face à des temps d’attente prolongés et à des difficultés d’accès aux services essentiels, une question fondamentale se pose : cette session parlementaire va-t-elle enfin apporter les réformes substantielles des soins de santé qui sont promises depuis des décennies, ou les Canadiens seront-ils laissés en attente de soins qui semblent ne jamais arriver?