Le départ de Farmers Insurance de la Colombie-Britannique le mois dernier marque un nouvel épisode dans l’inquiétant exode des assureurs étrangers de dommages du territoire canadien. En abandonnant environ 100 millions de dollars de primes annuelles, Farmers rejoint une liste grandissante d’assureurs internationaux—notamment AIG, Allianz et CNA—qui ont réduit ou complètement abandonné leurs activités canadiennes ces dernières années.
Cette retraite ne se produit pas dans le vide. Les assureurs font face à des pressions croissantes liées aux réclamations climatiques, qui ont atteint 3,1 milliards de dollars en 2023, selon le Bureau d’assurance du Canada. Les inondations catastrophiques en Nouvelle-Écosse et les feux de forêt sans précédent en Colombie-Britannique ont poussé les portefeuilles d’assurance au-delà des niveaux soutenables, créant ce que les experts du secteur appellent “une tempête parfaite” d’escalade des risques.
“Le marché canadien présente des défis uniques que certains assureurs étrangers ne sont simplement pas équipés pour naviguer à long terme,” explique Marcus Chen, analyste en assurance chez Deloitte Canada. “Nous assistons à une réévaluation fondamentale de l’appétit pour le risque dans l’ensemble de l’industrie.”
Le paysage réglementaire aggrave ces défis. Les assureurs étrangers se retrouvent souvent à lutter contre la mosaïque provinciale de réglementations d’assurance au Canada, créant des coûts de conformité que les concurrents nationaux—avec leur infrastructure établie—peuvent plus facilement absorber. Les réglementations d’assurance automobile en Ontario et en Colombie-Britannique se sont avérées particulièrement problématiques pour les acteurs internationaux qui manquent d’expertise locale pour naviguer rentablement dans ces marchés complexes.
Pour les consommateurs et les entreprises canadiennes, cette contraction signifie moins d’options et potentiellement des primes plus élevées. Avec une concurrence réduite, les assureurs nationaux gagnent en pouvoir de tarification sur les marchés spécialisés comme l’assurance de biens commerciaux et la responsabilité professionnelle. Les petites entreprises en particulier font face à un champ réduit d’assureurs prêts à couvrir leurs activités à des tarifs abordables.
La consolidation du secteur crée également des opportunités pour les géants canadiens de l’assurance. Intact Financial et Definity Financial sont intervenus pour acquérir des branches d’activité d’assureurs étrangers partants, renforçant leur domination du marché. L’acquisition par Intact des activités canadiennes de RSA Insurance en 2021 représentait un moment décisif dans cette tendance à la consolidation.
“Ce à quoi nous assistons est un recalibrage du paysage canadien de l’assurance,” affirme Patricia Menard, consultante en assurance. “Les assureurs étrangers considèrent de plus en plus le Canada comme un marché difficile qui ne s’aligne pas avec leurs stratégies de croissance mondiale, surtout lorsque des opportunités plus rentables existent ailleurs.”
Le changement climatique demeure le moteur le plus important de cet exode. Avec les réclamations canadiennes pour dommages matériels dus aux événements météorologiques graves qui ont quadruplé depuis 2008, les assureurs font face à des décisions difficiles concernant la viabilité à long terme dans les régions à haut risque. Même si les grands événements sportifs et le tourisme apportent des avantages économiques aux zones côtières et sujettes aux feux de forêt, l’infrastructure d’assurance sous-jacente qui soutient ces économies devient de plus en plus fragile.
Pour les assurés canadiens, le moment ne pourrait être pire. Alors que les risques climatiques s’intensifient et que les valeurs immobilières augmentent, l’accès à une assurance abordable devient plus crucial mais aussi plus difficile à obtenir. Les experts du secteur prédisent une contraction supplémentaire du marché avant toute stabilisation, suggérant que les Canadiens devraient se préparer à un paysage d’assurance fondamentalement modifié dans la prochaine décennie.
L’exode des assureurs étrangers du Canada représente plus qu’un simple repositionnement corporatif—il signale un changement profond dans la façon dont les institutions financières mondiales perçoivent le risque climatique en Amérique du Nord. Alors que le marché continue d’évoluer, la question demeure de savoir si les assureurs nationaux canadiens pourront à eux seuls combler le fossé de protection croissant ou si une intervention gouvernementale deviendra finalement nécessaire dans ce secteur financier essentiel.