Dans un aperçu révélateur du sentiment des consommateurs, près de 90 % des Canadiens se préparent à des factures d’épicerie plus élevées dans les mois à venir, selon une enquête nationale complète publiée hier. Ces résultats surviennent alors que les budgets des ménages sont déjà serrés et que les préoccupations concernant l’accessibilité alimentaire grandissent à travers le pays.
Le Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie, en partenariat avec Caddle, a sondé plus de 5 000 Canadiens durant la première semaine de mars, révélant une anxiété généralisée concernant les coûts alimentaires. Ce sentiment persiste malgré les données récentes de Statistique Canada montrant une modeste décélération de l’inflation alimentaire à 3,4 % en janvier par rapport aux chiffres de l’année dernière.
“Il existe un décalage important entre les statistiques officielles d’inflation et ce que les Canadiens vivent aux caisses,” explique Dr. Sylvain Charlebois, directeur du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire. “Même si l’inflation se refroidit techniquement, les consommateurs continuent de ressentir une pression considérable sur leurs budgets alimentaires.”
L’enquête révèle des variations régionales frappantes dans les attentes des consommateurs. Les résidents du Québec semblent les plus pessimistes, avec 92,8 % qui anticipent des prix alimentaires plus élevés. Ils sont suivis de près par l’Ontario (89,9 %) et la Colombie-Britannique (88,6 %), tandis que les Canadiens de l’Atlantique affichent un optimisme légèrement supérieur à 87,9 %.
Lorsqu’on leur demande quelles catégories d’aliments risquent de connaître des hausses de prix, les Canadiens identifient les légumes (73,4 %), les fruits (71,2 %) et les produits carnés (59,7 %) comme étant les plus vulnérables. Cette préoccupation s’aligne avec les prévisions agricoles canadiennes anticipant des défis de production liés aux conditions météorologiques pour la prochaine saison de croissance.
L’impact financier de la hausse des coûts alimentaires force les Canadiens à adopter diverses stratégies d’adaptation. Près de 65 % déclarent rechercher activement des aubaines d’épicerie, tandis que 59,3 % ont augmenté leur utilisation des programmes de fidélité pour maximiser les économies. Plus inquiétant, 37,2 % admettent avoir réduit leurs achats alimentaires globaux—un indicateur potentiel d’insécurité alimentaire croissante.
“Ce ne sont pas seulement des statistiques—elles représentent des changements réels dans la façon dont les Canadiens nourrissent leurs familles,” note l’analyste financier Morgan Zhang. “La pression prolongée sur les budgets alimentaires modifie fondamentalement les comportements d’achat et les choix alimentaires à travers les groupes démographiques.”
Pour les détaillants, l’enquête offre des perspectives cruciales sur l’évolution des priorités des consommateurs. Les marques maison et les épiciers à rabais gagnent des parts de marché, 47,1 % des répondants déclarant augmenter leurs achats de produits de marques privées. Pendant ce temps, les analystes commerciaux soulignent les profits records des grandes chaînes d’épicerie, alimentant le débat public sur la relation entre les bénéfices des entreprises et les prix à la consommation.
Les implications politiques ne peuvent être négligées. Le gouvernement fédéral fait face à une pression croissante pour résoudre le problème de l’abordabilité alimentaire, 72,3 % des répondants à l’enquête indiquant leur insatisfaction quant aux mesures politiques actuelles. Alors que les tensions politiques augmentent, les partis d’opposition utilisent de plus en plus les prix des produits d’épicerie comme point focal de campagne en vue d’éventuelles élections.
Les experts de l’industrie suggèrent plusieurs facteurs contribuant aux augmentations de prix anticipées, notamment les perturbations continues de la chaîne d’approvisionnement, les pénuries de main-d’œuvre, les événements météorologiques extrêmes affectant les récoltes et l’augmentation des coûts de transport. La complexité de ces défis interconnectés rend les solutions simples insaisissables.
Alors que les Canadiens continuent de naviguer dans ce paysage économique difficile, la question demeure : à quel moment les augmentations persistantes des prix alimentaires déclencheront-elles des changements plus significatifs dans le comportement des consommateurs ou dans les réponses politiques? La réponse pourrait bien façonner les dynamiques du marché et les priorités politiques dans les mois à venir.