Dans ce qui pourrait marquer l’une des réformes de rémunération les plus importantes pour les forces armées du Canada depuis des décennies, le gouvernement fédéral délibère attentivement sur plusieurs approches pour réaliser l’augmentation promise de 20% de la solde militaire. Cette évolution survient au milieu de préoccupations croissantes concernant les défis de recrutement et les problèmes de rétention qui ont laissé les Forces armées canadiennes (FAC) aux prises avec des pénuries de personnel dans plusieurs branches.
Le ministre de la Défense, Bill Blair, a reconnu la semaine dernière que son ministère examine diverses méthodes de mise en œuvre plutôt que d’appliquer simplement une augmentation en pourcentage généralisée. « Nous envisageons une combinaison d’approches », a déclaré Blair aux journalistes suite aux questions sur le calendrier de l’ajustement de rémunération promis, annoncé pour la première fois dans le budget fédéral d’avril.
L’augmentation de la solde militaire, qui représenterait la hausse la plus substantielle pour les membres du service en plus de 20 ans, intervient alors que les FAC font face à une crise de personnel. Les effectifs actuels sont environ 16 000 membres en dessous de la capacité maximale—une situation que les dirigeants militaires décrivent comme « critique » pour la préparation opérationnelle.
« Il ne s’agit pas simplement d’une rémunération compétitive, bien que ce soit certainement important », a déclaré l’analyste militaire Catherine McKenna dans une entrevue. « Il s’agit de reconnaître la valeur fondamentale que nous accordons au service militaire à une époque où les défis de sécurité mondiale s’intensifient et où le recrutement n’a jamais été aussi difficile. »
Selon des documents obtenus par le biais de demandes d’accès à l’information, le ministère de la Défense nationale envisage des augmentations ciblées pour des grades et des spécialisations spécifiques confrontés à des problèmes aigus de rétention. Les postes d’armes de combat, les spécialistes techniques et les rôles de leadership de niveau intermédiaire ont connu des taux d’attrition particulièrement inquiétants au cours des trois dernières années.
La complexité de la rémunération militaire—qui comprend le salaire de base, la rémunération de spécialité, les indemnités et les avantages sociaux—rend la mise en œuvre d’une augmentation aussi importante plus compliquée qu’il n’y paraît initialement. Des sources au sein du ministère suggèrent que le gouvernement évalue des options qui pourraient inclure des ajustements à la structure complexe des indemnités militaires parallèlement aux augmentations de salaire directes.
« La rémunération militaire nécessite d’équilibrer les besoins opérationnels avec la réalité fiscale », a expliqué l’économiste Thomas Reid, qui se spécialise dans la politique canadienne et la budgétisation de la défense. « L’objectif n’est pas simplement de jeter de l’argent au problème—c’est de créer une structure durable qui répond à la fois aux défis immédiats de recrutement et à la rétention à long terme. »
Les familles militaires ont été vocales concernant les pressions financières auxquelles elles font face, particulièrement celles stationnées dans les marchés immobiliers les plus coûteux du Canada. Le bureau de l’Ombudsman des Forces armées canadiennes a signalé une augmentation de 32% des plaintes liées aux difficultés financières au cours de la dernière année, les coûts de logement étant fréquemment cités comme la préoccupation principale.
« Beaucoup de nos membres font des choix difficiles entre poursuivre leur service ou rechercher des opportunités civiles qui offrent une plus grande stabilité financière », a déclaré un haut responsable militaire sous couvert d’anonymat. « Lorsque nous perdons du personnel expérimenté, nous ne perdons pas seulement des effectifs—nous perdons un savoir institutionnel qui prend des années à reconstruire. »
Le calendrier de mise en œuvre de l’augmentation de la solde reste incertain, bien que le ministre Blair ait indiqué que le gouvernement a l’intention d’aller de l’avant « rapidement ». Les processus d’approbation du Conseil du Trésor nécessitent généralement plusieurs mois d’examen avant que de tels changements significatifs de rémunération puissent entrer en vigueur.
Pour les membres militaires canadiens qui observent ce processus se dérouler, les détails sont d’une importance capitale. Les grades subalternes pourraient voir des résultats substantiellement différents selon l’approche de mise en œuvre que le gouvernement sélectionnera finalement. Certains groupes de défense ont appelé à des augmentations rétroactives remontant à l’annonce du budget d’avril.
Alors que les défis de sécurité mondiale s’intensifient et que le Canada fait face à une pression croissante de la part des alliés pour respecter les engagements de dépenses de défense de l’OTAN, la question demeure : cette augmentation de la solde sera-t-elle suffisante pour résoudre les défis fondamentaux auxquels notre armée est confrontée, ou n’est-ce qu’une première étape dans ce qui doit être une refonte plus complète de la façon dont nous recrutons, conservons et valorisons ceux qui servent?