Alors que des panaches de fumée assombrissent le ciel habituellement pur de l’été manitobain, les autorités provinciales ont pris la mesure extraordinaire de demander aux touristes de reporter leurs visites face à une crise croissante des feux de forêt. L’avis, émis hier après-midi, marque la première fois de mémoire récente que la province décourage explicitement le tourisme pendant sa haute saison.
“Nous faisons face à des conditions de feux de forêt sans précédent dans plusieurs régions,” a déclaré Jillian Renwick, coordinatrice des mesures d’urgence du Manitoba. “Bien que nous comprenions la déception que cela cause pour les vacances planifiées, notre priorité doit être la sécurité publique et assurer que nos ressources d’urgence ne soient pas sollicitées au-delà de leur capacité.”
La situation, qui évolue rapidement, a déjà consumé plus de 150 000 hectares de forêts et de parcs, principalement dans les régions nord et est de la province. Selon Environnement Canada, des conditions anormalement sèches combinées à des températures supérieures à la moyenne ont créé des conditions parfaites pour la propagation des incendies, certains brasiers avançant à des vitesses dépassant 5 kilomètres par heure pendant les périodes de combustion maximale.
Les opérateurs touristiques locaux, déjà en difficulté après les perturbations liées à la pandémie, font maintenant face à un autre coup dévastateur pour leurs moyens de subsistance. L’Association du tourisme du Manitoba estime que les pertes économiques potentielles pourraient dépasser 75 millions de dollars si l’avis reste en vigueur jusqu’en juillet, traditionnellement le mois le plus achalandé pour les visiteurs.
“Nous sommes pris entre la compréhension de la nécessité de ces mesures et la perspective de voir nos entreprises potentiellement s’effondrer,” a déclaré Lars Thorson, qui exploite un pavillon familial en pleine nature près du parc provincial Nopiming. “Beaucoup d’entre nous n’ont qu’une fenêtre de 12 semaines pour gagner notre revenu annuel.”
Les ressources provinciales de lutte contre les incendies ont été renforcées par des équipes de la Saskatchewan, de l’Ontario et du Québec, avec une assistance supplémentaire demandée aux agences fédérales. Les Forces armées canadiennes ont déployé deux avions-citernes et une unité d’hélicoptères pour aider sur les fronts d’incendie les plus menaçants.
Les communautés situées dans les zones d’évacuation ont été dirigées vers des refuges d’urgence à Winnipeg et Brandon, avec environ 3 400 résidents actuellement déplacés. Les communautés autochtones ont été touchées de manière disproportionnée, avec sept territoires des Premières Nations sous ordres d’évacuation.
“Cette situation met en évidence la vulnérabilité climatique croissante à laquelle nous sommes confrontés dans nos régions nordiques,” a noté Dre Eleanor Sampson, chercheuse en climatologie à l’Université du Manitoba. “Les données indiquent que nous connaissons des saisons de feux de forêt qui commencent plus tôt, brûlent plus intensément et durent plus longtemps que les tendances historiques.” Ses recherches, publiées dans le Journal canadien de la recherche forestière, suggèrent que de telles conditions pourraient devenir la nouvelle normalité pour les étés manitobains.
Pour les touristes ayant des réservations existantes, les autorités provinciales travaillent avec les principaux fournisseurs d’hébergement pour établir des politiques d’annulation flexibles. Parcs Manitoba a mis en place des remboursements automatiques pour toutes les réservations de camping dans les zones touchées jusqu’au 15 juillet, avec des prolongations possibles selon les progrès de confinement des incendies.
Les responsables des urgences soulignent que l’avis vise à prévenir une pression supplémentaire sur les ressources et à réduire le risque que des touristes se retrouvent bloqués dans des conditions d’incendie qui évoluent rapidement. Les fermetures de routes dans toutes les régions touchées ont déjà créé des défis logistiques pour les équipes d’intervention d’urgence.
Alors que le Manitoba fait face à cette crise croissante, la question se pose: comment notre approche du tourisme, de la conservation et de la planification d’urgence évoluera-t-elle dans un avenir où de tels événements extrêmes deviennent de plus en plus courants plutôt qu’exceptionnels?