Les chaînes de montage autrefois bourdonnantes d’activité dans le corridor automobile de l’Ontario fonctionnent désormais à un rythme nettement ralenti. Le secteur manufacturier automobile du Canada a enregistré sa plus forte baisse de production en une décennie, avec une chute de 11,3 % au premier trimestre 2024 par rapport à la même période l’année dernière.
À l’usine d’assemblage de Windsor, où les fourgonnettes Chrysler sortent des chaînes depuis des générations, les mises à pied temporaires sont devenues de plus en plus fréquentes. « Nous fonctionnons à environ 60 % de notre capacité maintenant », explique Michael Robinet, un vétéran de l’usine depuis 23 ans. « Je n’ai jamais vu une telle incertitude, même pas pendant la crise financière de 2008. »
Les chiffres racontent une histoire préoccupante. Le volume de production est passé de 1,9 million de véhicules en 2017 à une projection de 1,2 million pour 2024, selon les données de DesRosiers Automotive Consultants. Ce déclin représente plus que des unités perdues—il signale un changement fondamental dans le paysage automobile nord-américain.
Les tensions commerciales sont au cœur de cette contraction manufacturière. La mise en œuvre de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) a apporté des exigences plus strictes concernant les règles d’origine, forçant les constructeurs automobiles à recalibrer leurs chaînes d’approvisionnement. Parallèlement, les différends persistants sur les tarifs de l’aluminium et de l’acier ont gonflé les coûts de production d’environ 7,2 % dans l’ensemble du secteur.
« Nous sommes pris dans le feu croisé de forces géopolitiques plus larges », explique Flavio Volpe, président de l’Association des fabricants de pièces automobiles. « Les opérations canadiennes sont souvent les premières à ressentir la pression lorsque les multinationales s’adaptent aux pressions commerciales. Le défi maintenant est de maintenir notre position dans les plans de production continentaux. »
Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement continuent d’aggraver ces défis. Les pénuries critiques de semi-conducteurs ont laissé les usines d’assemblage incapables de compléter des milliers de véhicules. À l’installation GM d’Oshawa, près de 3 000 camionnettes sont garées dans des terrains adjacents en attente de composants électroniques—une scène qui se répète partout au pays.
Le déclin s’est répercuté sur la base d’approvisionnement, affectant des centaines de fabricants plus petits. À Kitchener-Waterloo, l’entreprise d’emboutissage de précision TrimTech a réduit ses quarts de travail de trois à un. « Nous avons perdu 40 % de nos contrats automobiles depuis 2021 », note la PDG Jennifer Haworth. « Nous essayons désespérément de nous diversifier dans d’autres industries pour maintenir notre main-d’œuvre. »
La réponse gouvernementale s’est concentrée sur la production de véhicules électriques comme bouée de sauvetage potentielle. Plus de 16 milliards de dollars d’investissements liés aux VÉ ont été annoncés pour les installations canadiennes depuis 2020, notamment l’usine de batteries de Volkswagen à St. Thomas et la coentreprise Stellantis-LG à Windsor. Cependant, ces projets restent à plusieurs années d’une production complète.
« La transition vers l’électrification présente à la fois des opportunités et des risques », affirme Brendan Sweeney, directeur général du Réseau Trillium pour la fabrication avancée. « Le Canada a sécurisé des investissements importants, mais le volume de véhicules produits pendant cette période de transition demeure une préoccupation critique. »
Pour les communautés bâties autour de la fabrication automobile, les enjeux ne pourraient être plus élevés. À Ingersoll, où l’assemblage CAMI est passé à la production de fourgonnettes électriques, la main-d’œuvre a diminué de près d’un tiers. Les entreprises locales signalent des baisses de revenus de 15 à 25 % alors que le pouvoir d’achat diminue.
Pour l’avenir, les analystes de l’industrie prévoient une volatilité continue jusqu’en 2025. La reprise dépendra probablement de la résolution des différends commerciaux, de la stabilisation des chaînes d’approvisionnement et de la mise en œuvre réussie des nouvelles lignes de production de VÉ. Jusque-là, la position du Canada dans la hiérarchie manufacturière automobile nord-américaine reste précaire.
Le secteur automobile canadien résistera-t-il à cette tempête parfaite de défis, ou sommes-nous témoins du début d’un déclin structurel permanent? La réponse façonnera l’avenir économique des communautés à travers l’Ontario et au-delà, déterminant si la prochaine génération de véhicules—et les emplois qui les accompagnent—porteront la distinction « Fabriqué au Canada ».
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