De nouvelles données alarmantes révèlent une tendance inquiétante dans les provinces maritimes alors que les taux de vaccination infantile contre la rougeole continuent de diminuer, exposant les communautés à un risque accru d’épidémies potentielles. Cette trajectoire à la baisse coïncide avec une résurgence des cas de rougeole à l’échelle mondiale, suscitant de sérieuses préoccupations chez les responsables de la santé publique qui avertissent que le bouclier d’immunisation de la région s’affaiblit.
“Nous constatons que la couverture vaccinale descend sous le seuil critique de 95% nécessaire pour l’immunité collective dans plusieurs communautés des Maritimes,” a déclaré Dre Eleanor Wentworth, coordinatrice régionale de l’immunisation pour les provinces atlantiques. “Cela crée de dangereuses poches de vulnérabilité où la rougeole—l’un des virus les plus contagieux connus—peut prendre pied.”
Selon les dossiers provinciaux de santé obtenus par des demandes d’accès à l’information, le taux de vaccination contre la rougeole au Nouveau-Brunswick est tombé à 87% pour les enfants entrant à la maternelle, contre 94% il y a seulement cinq ans. Des baisses similaires ont été documentées en Nouvelle-Écosse (89%) et à l’Île-du-Prince-Édouard (91%), marquant les taux de couverture les plus bas depuis plus de vingt ans.
Le virus de la rougeole, qui peut rester en suspension dans l’air jusqu’à deux heures et infecte environ 90% des personnes non protégées qui y sont exposées, présente une menace particulière pour les nourrissons trop jeunes pour être vaccinés et les personnes immunodéprimées qui ne peuvent pas recevoir le vaccin pour des raisons médicales.
Les autorités sanitaires attribuent la baisse des taux de vaccination à une interaction complexe de facteurs, notamment les perturbations des soins de santé de routine liées à la pandémie, la prolifération de fausses informations sur les vaccins dans les médias sociaux, et une complaisance croissante à mesure que les souvenirs des épidémies généralisées de rougeole s’estompent dans la conscience collective.
“Nous sommes victimes de notre propre succès,” a expliqué Dr Marcus Chen, spécialiste des maladies infectieuses à l’Université Dalhousie. “Parce que les vaccins ont été si efficaces pour prévenir ces maladies, de nombreux parents aujourd’hui n’ont jamais été témoins des effets dévastateurs de la rougeole et ne la perçoivent pas comme une menace sérieuse.”
Les conséquences de la baisse des taux de vaccination se sont déjà manifestées ailleurs au Canada. La Colombie-Britannique a connu une importante épidémie de rougeole l’année dernière qui a infecté 27 personnes, principalement des enfants non vaccinés, et a nécessité un traçage extensif des contacts et des mesures de quarantaine qui ont mis à rude épreuve les ressources de santé publique.
Les départements de santé des Maritimes ont lancé de nouvelles campagnes de vaccination, incluant des cliniques mobiles d’immunisation et des interventions ciblées dans les communautés à couverture particulièrement faible. Les autorités travaillent également avec les conseils scolaires pour renforcer l’application des exigences d’immunisation pour l’entrée à l’école, bien que des exemptions religieuses et philosophiques restent disponibles dans les trois provinces.
“Le vaccin RRO est extraordinairement sûr et efficace,” a souligné Dre Wentworth. “Il prévient non seulement la rougeole mais aussi les oreillons et la rubéole, et fait l’objet d’une surveillance rigoureuse de sécurité depuis des décennies. Le risque d’effets secondaires graves est infinitésimal comparé aux dangers posés par ces maladies.”
Avant la vaccination généralisée, la rougeole infectait environ 400 000 Canadiens chaque année, causant des centaines de décès et des milliers de cas d’encéphalite, de pneumonie et d’autres complications graves. La maladie a été déclarée éliminée au Canada en 1998, mais des cas importés continuent de déclencher des épidémies localisées dans les communautés sous-vaccinées.
Les économistes de la santé estiment que chaque dollar investi dans la vaccination contre la rougeole permet au système de santé d’économiser environ 16 dollars en coûts de traitement et en pertes de productivité, ce qui en fait l’une des interventions de santé publique les plus rentables disponibles.
Alors que les voyages internationaux reprennent après la pandémie et que les cas de rougeole augmentent à l’échelle internationale, les responsables de la santé des Maritimes avertissent que la baisse des taux de vaccination dans la région rend les communautés de plus en plus vulnérables. La question qui se pose maintenant aux résidents du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l’Île-du-Prince-Édouard est de savoir s’il faudra une véritable épidémie pour inverser la dangereuse baisse de la couverture vaccinale, ou si une action préventive peut restaurer l’immunité protectrice avant que la rougeole ne trouve son opportunité.