Dans un climat d’incertitude économique, les responsables de la Banque du Canada sont engagés dans un débat en coulisses qui pourrait façonner le paysage financier pour des millions de Canadiens : la banque centrale a-t-elle déjà suffisamment réduit les taux d’intérêt?
Après avoir effectué quatre baisses consécutives des taux depuis juin, réduisant le taux directeur de 5% à 4%, certains membres du conseil de direction signalent qu’il serait peut-être temps de prendre du recul et d’évaluer. Cette division interne est apparue lors de la réunion politique du mois dernier, où les responsables ont pesé les preuves croissantes de reprise économique contre les préoccupations persistantes liées à l’inflation.
“L’économie canadienne fait preuve d’une résilience remarquable dans certains secteurs, notamment l’immobilier et les dépenses de consommation,” a déclaré Mackenzie Boyd, économiste en chef chez Western Pacific Investment Group. “Cela crée un véritable dilemme politique pour la Banque du Canada – réduire trop les taux et risquer de raviver l’inflation, ou faire une pause trop tôt et potentiellement étouffer la croissance.”
Les données économiques récentes présentent un tableau mitigé. Bien que l’inflation se soit modérée à 2,8% par rapport à son pic de 8,1% en 2022, elle reste obstinément au-dessus de l’objectif de 2% de la Banque. Parallèlement, les chiffres de l’emploi publiés la semaine dernière ont montré une force inattendue, avec 42 000 emplois ajoutés en juillet, principalement des postes à temps plein.
Le gouverneur Tiff Macklem fait face à des pressions croissantes des deux côtés. Les chefs d’entreprise, particulièrement dans les industries manufacturières et orientées vers l’exportation, soutiennent que les taux d’intérêt élevés du Canada par rapport aux autres nations du G7 créent des désavantages concurrentiels. À l’inverse, les experts en stabilité financière avertissent qu’un assouplissement monétaire excessif pourrait raviver le marché immobilier volatile du Canada.
Le moment de ce débat est particulièrement important alors que la Réserve fédérale américaine a effectué sa première baisse de taux en septembre, réduisant son taux directeur de 50 points de base. Historiquement, la divergence entre les politiques monétaires canadienne et américaine a créé des pressions sur les taux de change et compliqué la dynamique du commerce transfrontalier.
“Ce que nous observons, c’est une banque centrale qui tente de naviguer dans un environnement extraordinairement complexe,” a déclaré Elaine Thompson, analyste financière principale chez RCM Capital. “Les chaînes d’approvisionnement mondiales sont toujours en cours de normalisation, les tensions géopolitiques continuent d’affecter les marchés de l’énergie, et l’accessibilité au logement reste un enjeu crucial pour les Canadiens.”
La prochaine annonce politique de la Banque le 23 octobre est suivie de près par les acteurs du marché. Les swaps indexés sur le taux à un jour suggèrent actuellement une probabilité de 65% que la Banque maintienne les taux stables, un changement significatif par rapport aux 80% de probabilité d’une baisse projetée il y a seulement trois semaines.
Pour les Canadiens ordinaires, cette incertitude politique se traduit par des décisions difficiles en matière de planification financière. Les propriétaires ayant des hypothèques à taux variable, les entreprises envisageant une expansion et les investisseurs répartissant leurs actifs font tous face à des perspectives floues.
La sous-gouverneure Sharon Kozicki a fourni des indices sur la réflexion de la Banque dans un discours la semaine dernière, soulignant que la politique monétaire opère avec des décalages importants. “Nous devons être patients dans l’évaluation de l’impact de nos actions précédentes,” a déclaré Kozicki. “Les effets complets de nos ajustements de taux prennent généralement 18 à 24 mois pour se répercuter dans l’économie.”
À l’approche de l’hiver, la décision de la Banque du Canada se répercutera dans tous les secteurs de l’économie. Les effets d’entraînement de la prochaine mesure de la Banque s’étendront bien au-delà de Bay Street.
La question centrale demeure : dans une économie montrant des signes à la fois de force et de vulnérabilité, le remède des taux plus bas a-t-il déjà été administré en dose suffisante? Les Canadiens le sauront bientôt.