Dans une solide défense de l’approche fiscale du gouvernement libéral, le ministre des Finances François-Philippe Champagne a repoussé les critiques croissantes concernant le budget fédéral canadien 2024, insistant sur le fait que les investissements stratégiques—et non les mesures d’austérité—stimuleront la croissance économique dans un contexte mondial difficile.
“Lorsque nous examinons les choix qui s’offrent à nous, nous devons considérer les investissements dans la productivité, le logement et les soins de santé comme des catalyseurs de la prospérité économique,” a déclaré Champagne aux journalistes lors d’une conférence de presse à Ottawa hier. “Il ne s’agit pas de dépenses inconsidérées, mais d’investissements ciblés qui renforcent notre fondation économique.”
Les commentaires du ministre surviennent alors que le déficit budgétaire du Canada devrait atteindre 39,8 milliards de dollars pour l’exercice 2024-2025, légèrement supérieur aux prévisions antérieures, mais toujours sur une trajectoire descendante par rapport aux dépenses de l’ère pandémique. Le plan fiscal a suscité des critiques de la part des partis d’opposition et de certains analystes économiques qui soutiennent que les niveaux de dépenses pourraient alimenter l’inflation et retarder le retour à des budgets équilibrés.
Champagne a toutefois souligné que l’approche du gouvernement reflète un équilibre délicat entre la responsabilité fiscale et les investissements nécessaires. “Face aux pénuries de logements, aux tensions dans les soins de santé et aux défis de productivité, réduire les investissements stratégiques nuirait en réalité à nos perspectives économiques,” a-t-il affirmé.
Le ministre des Finances a mis en avant plusieurs initiatives clés du budget, notamment un fonds d’accélération du logement de 19 milliards de dollars, des crédits d’impôt améliorés pour la fabrication, et des transferts accrus en matière de santé aux provinces—des mesures qu’il a décrites comme des “multiplicateurs économiques” plutôt que de simples dépenses.
Les données économiques semblent partiellement appuyer la position de Champagne. Le taux de chômage du Canada est resté relativement stable à 6,1%, tandis que l’inflation s’est modérée à 2,9% ces derniers mois. Cependant, la croissance du PIB a ralenti à 1,1% par an, reflétant des vents économiques contraires plus larges.
“Nous faisons ces investissements parce qu’ils s’attaquent à des problèmes structurels de notre économie,” a ajouté Champagne. “La pénurie de logements limite la croissance et la mobilité. Les défis en matière de soins de santé affectent la participation au marché du travail. Ce ne sont pas des luxes optionnels—ce sont des nécessités économiques.”
Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, sans commenter directement le budget, a noté dans une déclaration séparée que “la coordination des politiques fiscales et monétaires demeure importante” alors que l’économie navigue dans la reprise post-pandémique. La banque centrale a maintenu son taux directeur à 5% après une série de hausses agressives pour combattre l’inflation.
Le critique financier conservateur Jasraj Singh Hallan a critiqué cette approche, déclarant: “Ce gouvernement continue de croire qu’il peut dépenser pour sortir de l’inflation et de la stagnation économique, mais les Canadiens en paient le prix par des coûts et des taux d’intérêt plus élevés.”
Le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, a exprimé des préoccupations quant à la viabilité des niveaux de dépenses actuels, notant que sans augmentations significatives des revenus ou réductions des dépenses, les déficits pourraient persister bien au-delà de la prochaine décennie.
Malgré ces critiques, Champagne a défendu la décision du gouvernement de maintenir un objectif de ratio dette/PIB plutôt qu’un calendrier d’équilibre budgétaire. “Notre ratio dette/PIB devrait rester inférieur à 43% et suivre une tendance à la baisse—le plus bas parmi les nations du G7. Cela nous donne la capacité fiscale nécessaire pour réaliser les investissements nécessaires tout en maintenant la confiance dans nos finances publiques.”
Le ministre des Finances a également souligné les comparaisons internationales, notant que l’approche du Canada s’aligne sur les recommandations d’organisations comme le FMI et l’OCDE, qui ont préconisé des investissements ciblés dans la productivité et l’innovation plutôt que des mesures d’austérité qui pourraient entraver la reprise.
Alors que le Parlement débat du projet de loi d’exécution du budget dans les semaines à venir, la question demeure: l’approche canadienne axée sur l’investissement peut-elle générer la croissance économique nécessaire pour justifier les niveaux de dépenses actuels, ou les pressions fiscales finiront-elles par imposer des choix plus difficiles? La réponse pourrait façonner non seulement la trajectoire économique du Canada, mais aussi son paysage politique à l’approche des prochaines élections fédérales.