Dans une décision sans précédent qui témoigne des inquiétudes croissantes concernant la sécurité nationale, le gouvernement canadien a ordonné au géant chinois de la surveillance Hikvision de cesser toutes ses activités sur le territoire. La directive, annoncée hier par le ministre de la Sécurité publique Marco Mendicino, donne à l’entreprise seulement 30 jours pour mettre fin à ses activités commerciales au Canada, suite à l’accumulation de preuves concernant des vulnérabilités de sécurité dans sa technologie.
“Après un examen minutieux des rapports de renseignement et une consultation avec nos partenaires en matière de sécurité, nous avons déterminé que les produits Hikvision représentent un risque important pour les infrastructures critiques canadiennes et la vie privée des citoyens,” a déclaré Mendicino lors d’une conférence de presse à Ottawa. “Cette décision n’a pas été prise à la légère, mais la protection des intérêts de sécurité nationale du Canada doit prévaloir.”
L’interdiction fait suite à une évaluation de sécurité approfondie menée pendant deux ans par le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) et le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), qui aurait découvert des vulnérabilités critiques dans les systèmes de surveillance de Hikvision. Selon des sources gouvernementales qui ont parlé sous couvert d’anonymat, ces vulnérabilités pourraient potentiellement permettre un accès non autorisé aux données sensibles captées par les caméras de l’entreprise installées dans les installations gouvernementales canadiennes.
Hikvision, partiellement détenue par l’État chinois, est devenue l’un des plus grands fabricants mondiaux d’équipements de surveillance, avec ses caméras déployées dans de nombreuses institutions canadiennes, y compris des édifices gouvernementaux, des aéroports et des installations commerciales. La filiale canadienne de l’entreprise, qui emploie environ 300 personnes, a généré un chiffre d’affaires estimé à 450 millions de dollars l’année dernière.
En réponse à l’interdiction, Hikvision a publié une déclaration vigoureuse rejetant les allégations de sécurité comme “non fondées et politiquement motivées.” Le porte-parole de l’entreprise, Liu Wei, a déclaré: “Nous avons toujours adhéré aux normes de sécurité internationales les plus strictes et avons pleinement coopéré avec les autorités canadiennes. Cette décision semble être motivée par des tensions géopolitiques plutôt que par des préoccupations légitimes de sécurité.”
Cette mesure aligne le Canada sur plusieurs de ses alliés internationaux, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, qui ont déjà mis en œuvre des restrictions similaires sur la technologie de surveillance chinoise. La Commission fédérale des communications des États-Unis a interdit les équipements Hikvision en 2022, citant des “risques inacceptables pour la sécurité nationale.”
Les analystes d’affaires canadiens prévoient des implications importantes tant pour l’industrie de la surveillance que pour les relations Canada-Chine. “Cette interdiction crée des défis immédiats pour des milliers d’entreprises et d’organisations canadiennes qui utilisent actuellement des équipements Hikvision,” a noté Samantha Chen, analyste en sécurité technologique à la Banque Royale du Canada. “Les coûts de remplacement seuls pourraient dépasser 1,2 milliard de dollars à l’échelle nationale.”
L’ambassade de Chine à Ottawa a condamné la décision comme une “suppression flagrante des entreprises chinoises” et a averti de mesures de représailles potentielles contre les entreprises canadiennes opérant en Chine. “Cette décision politiquement motivée viole les principes du marché et les règles du commerce international,” a déclaré le porte-parole de l’ambassade, Lin Jian. “La Chine se réserve le droit de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les droits légitimes des entreprises chinoises.”
L’opposition parlementaire est divisée sur la question. Le chef conservateur Pierre Poilievre a soutenu l’interdiction mais a critiqué le gouvernement pour “avoir agi trop lentement face à des menaces de sécurité évidentes,” tandis que le chef du NPD, Jagmeet Singh, a appelé à une aide globale pour les petites entreprises touchées par les coûts de remplacement.
La Chambre de commerce du Canada a demandé des éclaircissements urgents sur le calendrier et le processus de conformité, exprimant des inquiétudes quant à la courte fenêtre de mise en œuvre. “De nombreuses installations critiques, y compris des hôpitaux et des centres de transport, auront besoin de temps et de ressources considérables pour abandonner ces systèmes,” a déclaré le président de la Chambre, Perrin Beatty.
Alors que les institutions canadiennes s’empressent de se conformer à cette directive, des questions sérieuses se posent concernant la technologie de surveillance et la sécurité nationale dans un monde de plus en plus numérique. Comment équilibrerons-nous le besoin légitime de systèmes de sécurité face aux risques croissants des capacités de surveillance étrangères, et que signale cette décision quant à l’avenir de la supervision technologique dans les sociétés démocratiques?