Dans une manœuvre stratégique qui signale des priorités changeantes dans les relations commerciales mondiales, le Canada a offert d’importantes concessions sur son marché laitier à la Nouvelle-Zélande, marquant un possible tournant dans le commerce transpacifique. L’accord, finalisé hier après des mois de négociations intensives, augmentera progressivement l’accès de la Nouvelle-Zélande au secteur laitier canadien étroitement protégé — un développement qui survient alors que le Canada fait face à une pression croissante de Washington pour modifier ses politiques agricoles protectionnistes.
“Cet accord représente une approche équilibrée pour élargir les échanges commerciaux tout en respectant les sensibilités de notre secteur laitier,” a déclaré Mary Ng, ministre canadienne du Commerce international, lors de la cérémonie de signature à Wellington. “Nous créons de nouvelles opportunités pour les producteurs des deux côtés du Pacifique tout en maintenant l’intégrité de notre système de gestion de l’offre.”
L’accord accorde aux producteurs laitiers néo-zélandais un quota annuel supplémentaire de 35 000 tonnes pour divers produits laitiers entrant sur le marché canadien, introduit progressivement sur huit ans. Cela représente environ 3,5% de la production laitière intérieure actuelle du Canada — une ouverture modeste mais significative qui, selon les économistes agricoles, pourrait introduire des prix plus compétitifs pour les consommateurs canadiens tout en offrant à l’industrie laitière néo-zélandaise, axée sur l’exportation, un précieux nouvel accès au marché.
Pour la Nouvelle-Zélande, un pays où les produits laitiers représentent près de 20% des exportations totales, cet accord apporte des avantages tangibles. “Il s’agit d’assurer un accès équitable aux marchés où nos producteurs peuvent concurrencer à conditions relativement égales,” a expliqué Damien O’Connor, ministre néo-zélandais du Commerce. “Nos agriculteurs produisent parmi les produits laitiers les plus durables au monde, et cet accord reconnaît cette qualité tout en ouvrant des portes qui nous étaient auparavant fermées.”
Le moment de cet accord est particulièrement significatif compte tenu du contexte géopolitique plus large. L’administration Biden a récemment intensifié ses critiques envers les politiques laitières du Canada, qu’elle affirme violer les dispositions de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC). La représentante américaine au Commerce, Katherine Tai, a spécifiquement ciblé l’allocation canadienne de contingents tarifaires, suggérant qu’ils avantagent injustement les transformateurs canadiens au détriment des exportateurs américains.
Les analystes de l’industrie considèrent cet accord avec la Nouvelle-Zélande comme potentiellement stratégique. “Le Canada démontre peut-être sa volonté de réformer progressivement ses politiques d’accès au marché laitier, mais en le faisant d’abord avec un partenaire commercial plus petit,” a déclaré Sylvain Charlebois, directeur du Laboratoire d’analyse agroalimentaire de l’Université Dalhousie. “Cela crée un précédent qu’ils peuvent invoquer dans les négociations avec les États-Unis sans céder immédiatement à leurs demandes plus importantes.”
L’accord a prévisiblement suscité des réactions mitigées au niveau national. Les Producteurs laitiers du Canada ont exprimé des préoccupations concernant les implications à long terme pour le système de gestion de l’offre, qui a historiquement protégé les producteurs laitiers canadiens de la concurrence internationale. “Chaque nouvelle concession érode la stabilité dont dépendent nos agriculteurs,” a déclaré Pierre Lampron, président de l’organisation. “Bien que l’impact de cet accord particulier puisse être gérable, nous nous inquiétons de l’effet cumulatif de multiples accords commerciaux.”
Les défenseurs des consommateurs et les analystes commerciaux ont toutefois accueilli favorablement cette initiative, suggérant qu’elle pourrait finalement conduire à une plus grande variété de produits et potentiellement à de meilleurs prix pour les consommateurs canadiens. Le Bureau de la concurrence du Canada estime que même cette modeste ouverture du marché pourrait réduire les prix des produits laitiers de 3 à 5% dans certaines catégories de produits au cours de la prochaine décennie.
Au-delà des produits laitiers, l’accord comprend également des dispositions pour accroître le commerce numérique, la coopération environnementale et le développement des entreprises autochtones — des domaines où le Canada et la Nouvelle-Zélande ont cherché à se positionner comme des leaders progressistes du commerce sur la scène mondiale.
Le calendrier de mise en œuvre prévoit que les premières augmentations de quotas commenceront l’année prochaine, avec l’allocation complète de 35 000 tonnes atteinte d’ici 2031. Les deux pays ont souligné que l’introduction progressive est conçue pour permettre aux producteurs de s’adapter aux nouvelles conditions du marché.
Alors que les modèles commerciaux mondiaux continuent d’évoluer dans un contexte de sentiments protectionnistes croissants, cet accord représentera-t-il un accommodement ponctuel à un partenaire du Commonwealth valorisé, ou signale-t-il le début d’un changement plus large dans l’approche du Canada en matière de politique commerciale agricole dans un marché mondial de plus en plus compétitif?