Les grues imposantes des chantiers de construction à travers les villes canadiennes ne racontent que la moitié de l’histoire des ambitions infrastructurelles du pays. Derrière ces symboles visibles de progrès se cache un paysage complexe d’opinion publique qui, étonnamment, favorise le développement, même face à la résistance locale.
Un récent sondage de Nanos Research révèle que 65% des Canadiens croient que le gouvernement fédéral devrait poursuivre les projets d’infrastructure nationaux critiques malgré l’opposition locale. Ce changement marqué dans le sentiment public survient alors que le Canada est aux prises avec des pénuries de logements, des goulets d’étranglement dans les transports et des défis de transition énergétique à travers le pays.
“Ce que nous observons, c’est une approche pragmatique des Canadiens qui reconnaissent que parfois, l’intérêt national doit prévaloir,” explique Nik Nanos, chef des données scientifiques chez Nanos Research. “Les données suggèrent que les citoyens sont de plus en plus préoccupés par les déficits d’infrastructure qui affectent leur quotidien et leurs opportunités économiques.”
L’enquête, qui a sondé 1 084 Canadiens de diverses régions, a constaté que le soutien au développement des infrastructures transcende les clivages politiques traditionnels. Les répondants urbains (68%) étaient légèrement plus favorables que les Canadiens ruraux (61%), bien que les deux groupes aient démontré un soutien majoritaire aux priorités de développement.
Ce sentiment représente une évolution significative dans la politique canadienne, où les attitudes “pas dans ma cour” ont historiquement fait dérailler ou retardé des projets d’infrastructure cruciaux. Des développements immobiliers à Toronto aux expansions de pipelines en Colombie-Britannique, l’opposition locale a fréquemment créé des obstacles aux initiatives nationales.
La ministre de l’Infrastructure Catherine McKenna a abordé ces résultats lors d’une conférence de presse à Ottawa hier. “Nous sommes engagés dans une consultation significative avec les communautés, particulièrement les groupes autochtones, mais nous reconnaissons également que le Canada fait face à d’importants défis d’infrastructure qui nécessitent une action décisive,” a déclaré McKenna.
Ces données de sondage arrivent alors que le gouvernement déploie son plan d’infrastructure Investir dans le Canada de 180 milliards de dollars, qui vise à créer une croissance économique à long terme grâce à des investissements dans le transport en commun, les infrastructures vertes et les projets sociaux dans toutes les provinces et territoires.
Les analystes économiques soulignent les avantages tangibles du développement des infrastructures. “Chaque dollar investi dans l’infrastructure génère entre 1,50$ et 3,00$ de croissance économique,” note Avery Williams, économiste principal au Centre canadien d’analyse économique. “L’effet multiplicateur crée des emplois, stimule la productivité et améliore la compétitivité des entreprises.”
Toutefois, les critiques mettent en garde contre le rejet trop rapide des préoccupations locales. Les groupes de défense de l’environnement et les communautés autochtones ont soulevé des questions légitimes concernant les impacts de projets spécifiques sur les écosystèmes sensibles et les droits issus de traités.
“Le défi réside dans l’équilibre entre les priorités nationales et l’autonomie locale,” affirme Dr. Helena Ramirez, professeure d’urbanisme à l’Université de Toronto. “Bien que les résultats du sondage suggèrent que les Canadiens soutiennent largement le développement, le diable se cache dans les détails de la mise en œuvre de chaque projet et des processus d’engagement communautaire.”
Des différences régionales notables sont apparues dans les résultats du sondage. Les Canadiens de l’Atlantique ont montré le plus fort soutien aux priorités d’infrastructure nationale (72%), tandis que les résidents du Québec étaient les plus susceptibles de mettre l’accent sur le consentement local (42%).
Le gouvernement fédéral s’est engagé à améliorer les processus de consultation tout en maintenant l’élan sur les projets critiques. Cette double approche vise à combler le déficit d’infrastructure qui s’est accumulé au cours de décennies de sous-investissement.
Alors que le Canada fait face à une pression croissante pour répondre à l’abordabilité du logement, à la résilience climatique et à la compétitivité économique, la question fondamentale demeure: comment pouvons-nous équilibrer le besoin urgent de développement d’infrastructure avec un respect significatif pour les communautés locales dont la vie sera directement impactée par ces projets?