La relation économique entre le Canada et les États-Unis fait face à son plus grand défi depuis des décennies alors que le président élu Donald Trump réaffirme sa promesse électorale d’imposer des droits de douane généralisés sur les importations canadiennes. Dans une mise en garde sévère prononcée mardi, le Premier ministre Mark Carney a condamné le tarif proposé de 35 % comme étant “économiquement destructeur” et a averti qu’il nuirait aux économies des deux nations.
“Un droit de douane de 35 % sur les produits canadiens représenterait un choc économique sans précédent pour nos économies intégrées,” a déclaré Carney lors d’une conférence de presse à Ottawa. “Ce n’est pas seulement dommageable pour les entreprises et les travailleurs canadiens — cela affecterait considérablement les consommateurs américains et les industries qui dépendent de nos chaînes d’approvisionnement.”
Les commentaires du Premier ministre font suite à la publication sur les réseaux sociaux de Trump ce week-end, où il a réitéré son intention d’imposer des droits de douane sur tous les produits entrant aux États-Unis en provenance du Canada, du Mexique et de la Chine. Trump a spécifiquement ciblé le Canada pour ce qu’il a décrit comme “des décennies d’exploitation” des marchés américains.
Les analystes économiques de l’Institut C.D. Howe prévoient que de tels droits pourraient réduire les exportations canadiennes vers les États-Unis jusqu’à 20 % au cours de la première année, potentiellement éliminant plus de 400 000 emplois canadiens dans les secteurs manufacturier, agricole et des ressources. Les effets d’entraînement seraient particulièrement dévastateurs pour les communautés frontalières dont les économies sont profondément liées au commerce transfrontalier.
“Nous avons déjà vu ce scénario,” a noté Dre Elaine Thompson, économiste en chef à l’Université métropolitaine de Toronto. “Pendant la première administration Trump, ses droits de douane sur l’aluminium et l’acier ont nui aux industries des deux côtés de la frontière tout en ne parvenant pas à atteindre leurs objectifs déclarés de revitalisation de l’industrie manufacturière américaine.”
Les responsables canadiens ont déjà commencé à élaborer des plans d’urgence. La ministre des Finances Chrystia Freeland a indiqué que le Canada répondrait par des “contre-mesures proportionnelles” si Trump met en œuvre ses menaces tarifaires après son investiture en janvier. Des sources gouvernementales révèlent que des droits de douane de représailles ciblés sur des exportations américaines clés sont en préparation.
L’incertitude a déjà affecté les marchés financiers, le dollar canadien chutant à son plus bas niveau en six mois face au dollar américain. Plusieurs grands fabricants canadiens auraient suspendu leurs projets d’expansion, et les décisions d’investissement transfrontalier sont retardées jusqu’à ce qu’il y ait plus de clarté sur les relations commerciales futures.
Ce qui rend cette situation particulièrement difficile est la nature profondément intégrée de la relation économique Canada-États-Unis. Les deux pays échangent près de 2 milliards de dollars en biens et services quotidiennement, avec d’innombrables produits traversant la frontière plusieurs fois pendant leur cycle de production. Perturber cet écosystème pourrait saper la compétitivité de l’industrie manufacturière nord-américaine dans son ensemble.
“Nous ne traitons pas d’une relation commerciale traditionnelle,” a expliqué John McCallum, ancien ambassadeur canadien aux États-Unis. “Des industries entières ont été construites autour du principe de frontières ouvertes. On ne peut pas simplement défaire cela sans créer d’énormes dislocations économiques des deux côtés.”
Malgré les tensions, Carney a souligné que le Canada reste engagé à travailler avec la prochaine administration. “Nous défendrons vigoureusement les intérêts canadiens, mais notre porte reste ouverte au dialogue constructif. L’amitié historique entre nos nations a déjà surmonté des défis.”
Alors que les entreprises et les travailleurs des deux côtés de la plus longue frontière non défendue du monde attendent anxieusement les développements futurs, une question importante se pose : les décennies d’intégration économique et de prospérité mutuelle pourront-elles résister à la marée montante du protectionnisme, ou sommes-nous témoins du début d’un réalignement fondamental dans les relations commerciales nord-américaines?