Le premier ministre Mark Carney s’apprête à affronter un test crucial la semaine prochaine lors de sa rencontre avec les dirigeants autochtones de tout le Canada, dans ce que les analystes qualifient de moment charnière pour sa jeune administration. Le sommet de deux jours à Ottawa, prévu pour les 23 et 24 juillet, portera sur la controversée Loi sur la réforme du Bureau de gestion des grands projets, qui a suscité d’importantes préoccupations parmi les communautés des Premières Nations quant à l’érosion potentielle de leurs droits constitutionnels.
“Ce sommet représente le premier défi majeur pour l’approche du gouvernement Carney en matière de relations avec les Autochtones,” a déclaré Dre Melissa Thompson, professeure de gouvernance autochtone à l’Université de Toronto. “Le résultat pourrait définir la tonalité pour les années à venir.”
La législation, présentée le mois dernier, vise à simplifier les processus d’approbation des grands projets de ressources et d’infrastructure. Bien que le gouvernement l’ait présentée comme essentielle à la croissance économique, les détenteurs de droits autochtones ont exprimé de profondes réserves concernant ce qu’ils perçoivent comme des limitations potentielles sur les processus de consultation et de consentement.
La cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations, Cindy Woodhouse Nepinak, a été particulièrement vocale dans ses critiques. “Nous ne pouvons accepter aucune législation qui diminue nos droits inhérents ou qui mine les principes établis dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones,” a-t-elle déclaré dans un communiqué de presse publié hier.
Selon des sources de Canada News, le sommet réunira plus de 200 chefs des Premières Nations, dirigeants métis et représentants inuits. Le format comprendra à la fois des séances plénières et des discussions en petits groupes sur des aspects spécifiques de la législation.
Le gouvernement Carney a tenté de présenter le sommet comme une preuve de son engagement envers une consultation significative. La ministre des Relations avec les Autochtones, Jody Wilson-Raybould, a déclaré mardi aux journalistes que le gouvernement est “tout à fait prêt à écouter et à apporter des changements substantiels” pour répondre aux préoccupations.
Cependant, le scepticisme demeure élevé parmi de nombreuses communautés autochtones. Le chef William Morin de la Nation crie d’Enoch a souligné les déceptions passées avec les processus de consultation fédéraux. “Nous avons déjà entendu des promesses,” a-t-il noté dans une entrevue avec CO24. “Ce qui compte, c’est si notre contribution façonne réellement la législation finale.”
Les enjeux sont particulièrement élevés compte tenu de l’histoire troublée du Canada en matière de consultations autochtones sur le développement des ressources. L’expansion de l’oléoduc Trans Mountain et les projets de Coastal GasLink ont tous deux fait face à une opposition autochtone significative et à des contestations juridiques, créant des années d’incertitude pour les investisseurs et les communautés.
Les implications économiques du sommet sont substantielles, selon l’analyse de CO24 Business. La Chambre de commerce du Canada estime que l’amélioration des approbations de grands projets pourrait débloquer plus de 100 milliards de dollars d’investissements au cours de la prochaine décennie. Cependant, les leaders d’affaires reconnaissent que des solutions durables nécessitent le soutien des Autochtones.
“Les projets les plus réussis ces dernières années ont été ceux avec des partenariats autochtones significatifs dès le début,” a souligné Catherine McKenna, ancienne ministre de l’Environnement et actuelle présidente du Conseil des solutions climatiques et énergétiques. “Précipiter une législation sans consultation adéquate ne mènera qu’à plus de contestations judiciaires et de retards.”
Le sommet se déroule dans le contexte des promesses de campagne de Carney de respecter à la fois les droits autochtones et d’accélérer le développement économique. Cette tension apparente a créé ce que les analystes de CO24 Politics décrivent comme un moment déterminant pour le nouveau gouvernement.
À l’approche du sommet, la question demeure : le gouvernement Carney peut-il trouver une voie qui équilibre les impératifs économiques avec les obligations constitutionnelles du Canada envers les peuples autochtones, ou ce test précoce exposera-t-il des contradictions fondamentales dans son approche de la réconciliation?