Alors que l’horloge parlementaire avance vers un vote crucial sur le discours du Trône libéral-NPD, le ministre des Finances Mark Carney fait face à une pression croissante de la part des premiers ministres provinciaux qui se réunissent aujourd’hui à Saskatoon pour ce qui s’annonce comme une Conférence des premiers ministres particulièrement tendue.
Cette rencontre des premiers ministres, se déroulant à peine 72 heures avant le vote décisif du Parlement, s’est transformée en un forum impromptu sur les relations fédérales-provinciales qui pourrait façonner le paysage politique pour les mois à venir. Le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, qui accueille l’événement, s’est positionné comme le porte-parole officieux des frustrations provinciales face aux politiques économiques d’Ottawa.
“Nous ne sommes pas ici pour approuver aveuglément des initiatives fédérales qui ne tiennent pas compte des compétences provinciales,” a déclaré Moe aux journalistes dimanche soir. “Les premiers ministres représentent les Canadiens en première ligne des soins de santé, du développement des ressources et des infrastructures – des domaines où Ottawa semble de plus en plus déconnecté.”
Le ministre des Finances Carney, faisant une apparition inhabituelle à une réunion des premiers ministres, arrive avec à la fois des références économiques et un bagage politique. Ses récentes prévisions économiques projetant une croissance modérée ont été accueillies avec scepticisme par les provinces dépendantes des ressources, particulièrement l’Alberta et la Saskatchewan, où les préoccupations concernant les politiques énergétiques fédérales demeurent vives.
“Le ministre Carney apporte des perspectives de Wall Street à des problèmes de rue principale,” a déclaré la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, dans un communiqué publié avant la conférence. “Nous avons besoin de solutions qui reconnaissent la réalité des économies provinciales, pas de modèles théoriques qui ignorent notre potentiel en ressources.”
Le moment ne pourrait guère être plus crucial. Le Parlement reprend mercredi pour la dernière journée du débat sur le discours du Trône, avec des votes programmés qui pourraient déclencher des élections automnales si le gouvernement ne parvient pas à obtenir un soutien suffisant. Bien que l’accord de confiance libéral-NPD offre une majorité théorique, des déclarations récentes de plusieurs députés néo-démocrates ont jeté un doute sur l’unité du parti.
Le premier ministre du Québec, François Legault, arrive avec son propre programme, axé sur l’obtention d’une plus grande autonomie en matière d’immigration et de politiques culturelles. “Les besoins distincts du Québec exigent des solutions distinctes,” a déclaré Legault hier. “Nous nous attendons à ce que le gouvernement fédéral respecte notre juridiction et notre place unique au sein du Canada.”
Pour sa part, Carney a signalé son ouverture aux préoccupations provinciales tout en maintenant que les défis économiques nationaux nécessitent des réponses coordonnées. “Il ne s’agit pas d’une imposition fédérale,” a-t-il déclaré lors d’un forum d’affaires à Toronto la semaine dernière. “Il s’agit de trouver un terrain d’entente sur les défis qui touchent tous les Canadiens—l’inflation, l’abordabilité du logement et la préparation de notre économie à la concurrence mondiale.”
Derrière les discussions formelles, des sources proches de plusieurs premiers ministres suggèrent qu’une coalition se forme pour exiger des changements aux transferts fédéraux en matière de santé et aux politiques de tarification du carbone. Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, représentant la province la plus peuplée du pays, pourrait émerger comme une voix pivot dans ces discussions.
“Le premier ministre Ford a maintenu des relations constructives avec Ottawa tout en défendant les intérêts de l’Ontario,” a noté l’analyste politique Maria Rodriguez. “Sa position pourrait déterminer si cette conférence produit un dialogue significatif ou se transforme en doléances régionales.”
La rencontre se déroule dans un contexte d’incertitude économique mondiale, avec la récente volatilité des marchés et les tensions commerciales internationales qui ajoutent de l’urgence à la coordination des politiques nationales. L’expérience antérieure de Carney à la Banque d’Angleterre et à la Banque du Canada le positionne de façon unique pour aborder ces préoccupations, bien que sa transition vers la politique partisane ait compliqué son accueil parmi certains premiers ministres.
Alors que les délégués arrivent au Centre de conférences Prairieland Park de Saskatoon, les enjeux vont au-delà des calculs politiques immédiats. Les résultats pourraient remodeler la dynamique fédérale-provinciale à un moment où l’unité nationale fait face à des tests importants.
La question fondamentale demeure : la fédération canadienne peut-elle trouver un objectif commun pour relever les défis partagés, ou les différences régionales continueront-elles à fragmenter les efforts de politique nationale? La réponse pourrait devenir plus claire à la conclusion du sommet de Saskatoon—juste à temps pour influencer le vote sur le discours du Trône qui pourrait déterminer le sort du gouvernement.