Le soulagement fiscal sera la pierre angulaire de la politique économique libérale dans les mois à venir, a confirmé hier le ministre des Finances Mark Carney lors de sa première annonce politique majeure depuis son entrée en fonction. S’exprimant lors d’un forum économique à Toronto, Carney a esquissé une stratégie ambitieuse de réduction d’impôts visant à alléger le fardeau des Canadiens de la classe moyenne tout en stimulant la croissance économique.
“Les Canadiens ont été clairs sur leurs priorités,” a déclaré Carney lors de son discours. “Ils veulent une économie qui fonctionne pour tous, pas seulement pour les privilégiés. Notre programme de réduction d’impôts sera le premier texte législatif important présenté lorsque le Parlement se réunira à nouveau le mois prochain.”
L’ancien gouverneur de la Banque du Canada a détaillé comment le gouvernement libéral prévoit de mettre en œuvre ce qu’il a décrit comme un “allègement ciblé” pour les familles gagnant entre 45 000 $ et 90 000 $ par an. Selon les estimations préliminaires, ces ménages pourraient voir des économies d’impôt d’environ 1 200 $ à 1 800 $ par année une fois les mesures pleinement mises en œuvre.
Cette annonce intervient alors que le gouvernement subit une pression croissante pour remédier aux préoccupations liées au coût de la vie. Des sondages récents indiquent que 67 % des Canadiens classent l’accessibilité économique comme leur principale préoccupation, nettement plus élevée que d’autres questions politiques. Carney a reconnu ces inquiétudes pendant son discours.
“Il ne s’agit pas seulement de remettre de l’argent dans les poches des gens, bien que ce soit certainement important,” a-t-il expliqué. “Il s’agit de créer les conditions d’une croissance durable à long terme qui profite à toutes les régions de notre pays.”
Le programme fiscal comprend également des dispositions spécifiques pour les petites entreprises, avec des réductions proposées du taux d’imposition fédéral des petites entreprises de 9 % à 7,5 % au cours des trois prochaines années. Les associations industrielles ont prudemment accueilli cette annonce, bien que certaines se demandent si le calendrier est suffisamment agressif compte tenu des vents contraires économiques actuels.
Les analystes économiques des principales institutions financières ont offert des avis mitigés sur le plan. L’économiste en chef de la TD, Beata Caranci, a noté que si les réductions d’impôts apporteraient un “soulagement significatif” aux ménages à revenu moyen, des questions demeurent quant à la façon dont le gouvernement compensera les pertes de revenus annuelles projetées de 12,8 milliards de dollars.
“Les mathématiques fiscales doivent s’additionner,” a observé Caranci dans une note de recherche distribuée aux clients. “Sans réductions de dépenses correspondantes ou augmentations de revenus ailleurs, ces réductions d’impôts pourraient potentiellement élargir le déficit au-delà des niveaux durables.”
Carney a repoussé ces préoccupations lors de la séance de questions-réponses suivant son discours, suggérant que la croissance économique stimulée par les réductions d’impôts compenserait partiellement les pertes de revenus. Il a également laissé entendre des mesures à venir pour assurer la durabilité fiscale, bien qu’il ait refusé de fournir des détails spécifiques.
“Nous adoptons une approche responsable en matière de gestion fiscale,” a insisté Carney. “Ce que nous ne ferons pas, c’est équilibrer les comptes sur le dos des Canadiens de la classe moyenne qui luttent déjà contre les coûts élevés.”
Les partis d’opposition ont réagi avec scepticisme à cette annonce. Le critique des finances conservateur Pierre Poilievre a qualifié le plan fiscal de “trop peu, trop tard” et s’est demandé si le gouvernement tiendrait ses promesses compte tenu de ce qu’il a appelé un “bilan de mauvaise gestion fiscale.”
Pendant ce temps, le chef du NPD Jagmeet Singh a critiqué le plan pour ne pas aller assez loin dans la lutte contre les inégalités, appelant plutôt à des taxes plus importantes sur les bénéfices des entreprises et la richesse.
La législation contenant ces mesures fiscales devrait être présentée lorsque le Parlement reviendra en juin, le gouvernement visant une mise en œuvre avant la fin de l’exercice financier. Carney a indiqué que le ministère des Finances publierait une mise à jour économique complète dans les prochaines semaines, fournissant plus de détails sur les mécanismes de financement et les projections économiques.
Alors que les Canadiens continuent de naviguer dans l’incertitude économique, la question fondamentale demeure : ces réductions d’impôts fourniront-elles le soulagement significatif dont les familles ont besoin, ou une restructuration économique plus substantielle est-elle nécessaire pour remédier à la crise d’accessibilité sous-jacente à laquelle la nation est confrontée?