Une bataille juridique sans précédent concernant la détention psychiatrique involontaire a débuté cette semaine alors que la Cour suprême de la Colombie-Britannique a entendu les arguments dans une contestation constitutionnelle de la Loi sur la santé mentale de la province. L’affaire, présentée par le Conseil des Canadiens avec déficiences et deux personnes ayant une expérience vécue, remet en question si la loi viole les droits fondamentaux garantis par la Charte en permettant une détention indéfinie sans protections adéquates.
“Cette affaire pose essentiellement la question de savoir si les personnes souffrant de troubles de santé mentale méritent les mêmes protections juridiques que tout le monde dans notre société,” a déclaré Laura Johnston, directrice juridique de Health Justice, l’une des organisations représentant les plaignants. La contestation porte sur les dispositions qui permettent les admissions involontaires et les traitements sans consentement éclairé—des pratiques qui, selon les critiques, créent un système de droits à deux vitesses au Canada.
Selon les données provinciales, plus de 20 000 Britanno-Colombiens ont été détenus involontairement en vertu de la Loi sur la santé mentale en 2021-2022, ce qui représente une augmentation de 79 % au cours de la dernière décennie. Contrairement à d’autres provinces, la C.-B. ne dispose pas d’examens juridiques indépendants obligatoires des détentions dans la première semaine, laissant potentiellement des patients détenus pendant des mois sans révision automatique.
Les pétitionnaires soutiennent que la législation viole plusieurs articles de la Charte canadienne des droits et libertés, notamment la protection contre la détention arbitraire et le droit à un traitement égal devant la loi. “Nous ne cherchons pas à éliminer les soins involontaires,” a souligné Johnston, “mais plutôt à garantir qu’ils respectent les droits de la Charte et fournissent des garanties appropriées.”
Mélanie Bénard de l’Association canadienne pour la santé mentale a déclaré à CO24 que la détention psychiatrique sans surveillance rigoureuse peut causer des traumatismes durables. “Être détenu contre sa volonté, potentiellement médicamenté sans consentement, et n’avoir aucun recours clair—ces expériences peuvent fondamentalement miner la confiance dans le système de santé,” a-t-elle expliqué.
La province maintient que la législation sert un objectif vital en protégeant les personnes vulnérables et le public. Les avocats du gouvernement ont fait valoir que la détention psychiatrique diffère fondamentalement de la détention criminelle et nécessite des approches juridiques différentes. Ils soutiennent que les garanties existantes, y compris le droit de demander des audiences de commission d’examen, offrent une protection suffisante.
Les prestataires de soins de santé ont exprimé des opinions mitigées sur cette contestation. Certains craignent que les réformes puissent entraver leur capacité à aider les patients en crise, tandis que d’autres reconnaissent la nécessité de protections plus solides. Dr. Sarah Chen, psychiatre non impliquée dans l’affaire, a noté : “Nous avons besoin d’une approche équilibrée qui protège à la fois l’autonomie du patient et assure l’accès aux soins nécessaires pendant les urgences de santé mentale.”
L’affaire a attiré l’attention des organisations de défense des droits humains à travers le Canada, dont plusieurs ont déposé des interventions soutenant la contestation. Les défenseurs des personnes handicapées soulignent que la loi de la C.-B. ne respecte pas les normes internationales des droits de la personne, notamment la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, que le Canada a ratifiée.
Les experts en santé mentale communautaire suggèrent que des approches alternatives axées sur l’engagement volontaire, le soutien par les pairs et les soins tenant compte des traumatismes pourraient réduire la dépendance aux mesures coercitives. “Quand les gens se sentent respectés et impliqués dans les décisions concernant leurs soins, les résultats s’améliorent considérablement,” a déclaré Michael Torres, qui dirige un programme communautaire de santé mentale à Vancouver.
La décision du tribunal pourrait avoir des implications considérables pour la législation sur la santé mentale dans tout le Canada. Des experts juridiques suggèrent que l’affaire pourrait éventuellement atteindre la Cour suprême du Canada, transformant potentiellement la façon dont les soins psychiatriques sont dispensés à l’échelle nationale.
Alors que cette affaire historique se déroule devant la plus haute cour de la C.-B., une question fondamentale reste en suspens : pouvons-nous construire un système de santé mentale qui fournit les soins nécessaires tout en respectant les droits fondamentaux et la dignité de ceux qu’il vise à servir?