Dans une critique pointue qui touche au cœur de l’administration fiscale du Canada, l’ombudsman fédéral des contribuables a appelé l’Agence du revenu du Canada à améliorer considérablement la transparence de ses rapports annuels. Le cadre actuel, selon l’ombudsman des contribuables François Boileau, ne permet pas aux Canadiens de comprendre pleinement les opérations de l’agence et ses mesures de responsabilisation.
“Ce que nous voyons, c’est un rapport de transparence qui, paradoxalement, obscurcit plus qu’il ne révèle,” a souligné Boileau dans son évaluation présentée mardi. “Les Canadiens méritent de savoir non seulement ce que fait l’ARC, mais aussi avec quelle efficacité elle le fait.”
Cette critique survient alors que l’ARC prépare son troisième rapport annuel sur la transparence, un document destiné à présenter comment l’agence recueille, utilise et protège les informations des contribuables. Le premier rapport, publié en 2022, a été établi suite aux recommandations du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada pour répondre aux préoccupations croissantes concernant la sécurité des données et l’accès approprié aux informations confidentielles.
L’analyse de Boileau a identifié plusieurs lacunes critiques dans les rapports précédents, soulignant particulièrement les insuffisances dans les informations statistiques fournies. Selon l’ombudsman, les rapports manquent de données complètes sur la fréquence des divulgations d’informations aux organismes d’application de la loi – une question d’intérêt public majeur étant donné la nature sensible des informations fiscales.
“Les informations statistiques présentées sont incohérentes et manquent du contexte nécessaire pour une interprétation adéquate,” indique le rapport de l’ombudsman. “Cela crée un déficit d’information qui mine la transparence même que ces rapports visent à atteindre.”
L’organisme de surveillance a soumis une liste détaillée de recommandations à la ministre du Revenu Marie-Claude Bibeau, soulignant la nécessité pour l’ARC de publier des données plus précises sur ses pratiques de partage d’informations avec d’autres ministères et organismes d’application de la loi. Cela inclut des explications plus claires sur quand et pourquoi les informations des contribuables sont divulguées sans consentement – une pratique autorisée dans le cadre de dispositions spécifiques de la Loi de l’impôt sur le revenu.
L’ARC, en réponse aux demandes de renseignements de CO24 News, a confirmé qu’elle examine les recommandations de l’ombudsman et prévoit d’apporter des améliorations dans son prochain rapport. La porte-parole de l’agence, Hannah Wardell, a déclaré: “Nous nous engageons à améliorer la transparence tout en équilibrant nos obligations de protection des informations sensibles des contribuables.”
Les experts en politique fiscale soutiennent depuis longtemps que la transparence dans l’administration fiscale sert deux objectifs: assurer la responsabilité de l’agence tout en renforçant la confiance du public dans le système. Claire Tremblay, analyste en politique fiscale au Centre Mowat de l’Université de Toronto, a déclaré à CO24 Business: “Quand les gens comprennent comment leurs informations fiscales sont traitées, ils sont plus susceptibles de se conformer volontairement aux lois fiscales, ce qui profite finalement à l’ensemble de notre système fiscal.”
Le moment de cette critique est particulièrement pertinent alors que le Canada approche de la saison des déclarations fiscales, période où des millions de citoyens interagiront avec l’ARC. L’agence traite environ 30 millions de déclarations fiscales annuellement, collectant des revenus qui constituent le fondement des opérations gouvernementales fédérales et provinciales.
Les comparaisons internationales suggèrent que le Canada a une marge d’amélioration. L’autorité fiscale du Royaume-Uni, HMRC, publie des données trimestrielles détaillées sur les divulgations d’informations, tandis que l’ATO australien fournit des ventilations annuelles complètes sur la façon dont les informations des contribuables sont utilisées dans les fonctions gouvernementales.
Alors que ce débat se déroule, la question fondamentale demeure: comment équilibrer le besoin légitime d’application fiscale avec des protections appropriées pour la vie privée des contribuables et la transparence? La réponse pourrait déterminer non seulement l’avenir des rapports de l’ARC, mais aussi la confiance des Canadiens dans leur système fiscal pour les années à venir.