Alors que des délégués de plus de 120 nations se réunissent à Nice, en France cette semaine, la Conférence des Nations Unies sur les océans 2024 a débuté avec une urgence sans précédent, soulignant l’état critique des océans de notre planète dans un contexte d’impacts climatiques croissants. Ce rassemblement représente ce que de nombreux experts considèrent comme un moment charnière pour transformer des années de promesses diplomatiques en mesures tangibles de protection marine.
“Nous sommes à la croisée des chemins pour la conservation des océans,” a déclaré le Secrétaire général des Nations Unies António Guterres lors de son discours d’ouverture. “Les engagements pris ici doivent passer du langage diplomatique à l’action décisive si nous espérons inverser la trajectoire préoccupante du déclin des écosystèmes marins.”
La conférence survient à un moment particulièrement crucial. Des données récentes de l’Organisation météorologique mondiale confirment que les températures océaniques ont atteint des records en 2023, avec des vagues de chaleur marine affectant près de 30% de la surface océanique mondiale à certains moments de l’année dernière. Ces anomalies de température ont déclenché de vastes épisodes de blanchissement des coraux, notamment dans la Grande Barrière de Corail australienne, où les scientifiques ont documenté le quatrième événement de blanchissement massif en seulement sept ans.
Les défenseurs de la protection marine poussent pour des progrès concrets sur plusieurs fronts, particulièrement la mise en œuvre du Traité de la haute mer adopté l’année dernière. Cet accord historique a établi un cadre juridique pour la création d’aires marines protégées dans les eaux internationales, qui constituent près des deux tiers des océans mondiaux mais ont historiquement manqué de mesures de conservation complètes.
“Le Traité de la haute mer représentait une percée diplomatique, mais son potentiel reste inexploité jusqu’à ce que les nations avancent dans sa ratification et sa mise en œuvre,” a expliqué Dr. Sylvia Earle, océanographe renommée et fondatrice de Mission Blue. “Chaque jour de retard se traduit par une dégradation supplémentaire des habitats critiques et une perte de biodiversité.”
Les considérations économiques occupent une place prépondérante dans les discussions de la conférence, l’économie bleue durable émergeant comme un thème central. La Banque mondiale estime que les océans génèrent des biens et services évalués à environ 2,5 billions de dollars annuellement, soutenant les moyens de subsistance de plus de trois milliards de personnes dans le monde.
Les représentants canadiens ont mis en avant le Plan de protection des océans du pays, une initiative de 3,5 milliards de dollars qui vise à protéger 30% des zones marines du Canada d’ici 2030. Cependant, les organisations environnementales se demandent si les efforts de mise en œuvre progressent assez rapidement pour atteindre cet objectif ambitieux.
La conférence a également mis en lumière des développements préoccupants dans l’exploitation minière des fonds marins. Plusieurs nations insulaires du Pacifique ont appelé à un moratoire sur cette pratique, citant une compréhension scientifique insuffisante des impacts environnementaux potentiels. Cette position a créé des tensions avec les pays qui considèrent les minéraux des fonds marins comme essentiels pour les technologies d’énergie renouvelable et la transition énergétique.
“Nous ne pouvons pas sacrifier une crise environnementale pour en résoudre une autre,” a averti Francesca Pradelli de la Coalition pour les océans profonds. “Le principe de précaution doit guider notre approche des industries océaniques émergentes.”
La pollution plastique figure également en bonne place à l’ordre du jour, les délégués discutant des mécanismes de mise en œuvre du traité mondial sur les plastiques actuellement en négociation. Des recherches récentes publiées dans Nature Communications estiment qu’entre 19 et 23 millions de tonnes métriques de déchets plastiques entrent dans les écosystèmes aquatiques chaque année, avec des projections suggérant que ce chiffre pourrait tripler d’ici 2040 sans intervention significative.
À mesure que la semaine avance, l’attention se concentrera sur la question de savoir si les nations participantes annonceront de nouveaux engagements financiers et des mesures politiques suffisamment substantielles pour faire face à l’ampleur des menaces pesant sur les écosystèmes marins. La conférence représente une opportunité cruciale pour faire progresser l’Objectif de développement durable 14 des Nations Unies, qui appelle à la conservation et à l’utilisation durable des océans, des mers et des ressources marines.
Alors que nos océans font face à des défis sans précédent, des eaux qui se réchauffent à la pollution plastique et à la destruction des habitats, la question demeure : cette conférence comblera-t-elle enfin l’écart persistant entre les promesses internationales concernant les océans et la protection dont nos environnements marins ont si désespérément besoin?