Face à l’intensification des crises écologiques, la Conférence des Nations Unies sur les océans 2024 s’est ouverte cette semaine avec une urgence sans précédent. Des délégués de plus de 190 nations se sont réunis pour aborder ce que de nombreux scientifiques décrivent désormais comme une menace existentielle pour les écosystèmes marins du monde entier. La dure réalité de nos océans—couvrant 70% de la surface terrestre mais confrontés à un déclin catastrophique—a finalement poussé les dirigeants mondiaux au-delà de la rhétorique vers des plans d’action concrets avec des objectifs mesurables.
“Nous sommes à un moment crucial où les paroles doivent se transformer en actes,” a déclaré le Secrétaire général des Nations Unies António Guterres dans son discours d’ouverture. “La santé de l’océan reflète notre avenir collectif, et sa détérioration rapide exige non seulement de l’inquiétude mais une intervention immédiate et coordonnée.”
La conférence de cette année arrive dans un contexte de découvertes scientifiques troublantes. Des études récentes du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indiquent que les océans ont absorbé environ 90% de la chaleur excédentaire générée par les émissions de gaz à effet de serre depuis les années 1970, entraînant des conséquences catastrophiques, notamment des vagues de chaleur marine, des blanchissements massifs de coraux et une élévation accélérée du niveau de la mer qui menace les communautés côtières du monde entier.
La délégation canadienne, dirigée par le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault, a dévoilé une enveloppe ambitieuse de 125 millions de dollars visant à étendre les zones marines protégées le long des côtes canadiennes tout en soutenant des initiatives de conservation menées par les Autochtones. Cet engagement s’aligne sur la stratégie environnementale plus large du Canada visant à protéger 30% des territoires terrestres et océaniques d’ici 2030.
“Les systèmes de connaissances autochtones ont préservé les écosystèmes marins pendant des millénaires,” a noté Guilbeault. “Notre approche reconnaît qu’une véritable conservation doit intégrer les connaissances écologiques traditionnelles aux compréhensions scientifiques modernes.”
La conférence a marqué un changement significatif dans la façon dont les nations abordent la gouvernance des océans. Plutôt que de considérer la protection marine comme un luxe environnemental, les délégués ont souligné l’impératif économique d’avoir des océans en bonne santé. L’économie bleue mondiale, évaluée à environ 2,5 billions de dollars annuellement, fait face à des menaces existentielles liées à la perte de biodiversité, à la pollution et aux impacts du changement climatique.
Les petits États insulaires en développement, touchés de façon disproportionnée par la détérioration des océans, ont lancé certains des appels les plus passionnés de la conférence. Le président des Maldives, Mohamed Muizzu, a appelé à une action immédiate au-delà des “discours élégants et des engagements non contraignants” tout en proposant un fonds mondial de protection des océans financé par les principaux émetteurs de carbone.
“Pour des nations comme les nôtres, la dégradation des océans ne concerne pas des scénarios d’avenir lointain—il s’agit de survie actuelle,” a déclaré Muizzu. “Quand votre patrie risque de disparaître dans quelques décennies, la patience pour des approches progressives s’évapore.”
Plus remarquable encore, la conférence de cette année a introduit des mécanismes de financement innovants conçus pour transformer la conservation des océans. La nouvelle Initiative d’Obligations Bleues, soutenue par d’importantes institutions financières dont la Banque mondiale, vise à mobiliser 25 milliards de dollars pour des projets océaniques durables au cours des cinq prochaines années. Cela représente un changement historique dans la façon dont la protection environnementale s’articule avec la finance mondiale.
La présence des entreprises à la conférence a également évolué, les grandes industries de la pêche, du transport maritime et du tourisme reconnaissant leur responsabilité dans la gestion des océans. Plusieurs multinationales ont annoncé de nouveaux engagements pour éliminer les déchets plastiques, réduire les émissions de carbone et mettre en œuvre des pratiques de récolte durables—bien que les organismes de surveillance environnementale restent prudemment optimistes quant aux mécanismes d’application.
“L’engagement du secteur privé représente un progrès,” a noté Dr. Sylvia Earle, océanographe renommée et exploratrice en résidence pour National Geographic. “Mais nous devons nous assurer que ces engagements se traduisent par des améliorations mesurables de la santé des océans, et ne servent pas simplement d’exercices de relations publiques.”
Alors que la conférence progresse vers sa conclusion plus tard cette semaine, les délégués travaillent à finaliser un cadre complet qui inclut des métriques standardisées pour mesurer l’efficacité de la protection marine, des mécanismes de responsabilisation pour les nations qui ne respectent pas leurs engagements, et des structures de soutien financier pour les pays en développement qui mettent en œuvre des mesures de conservation.
Le consensus scientifique reste clair : sans intervention dramatique, les écosystèmes océaniques risquent de s’effondrer dans les décennies à venir, menaçant la sécurité alimentaire de milliards de personnes, perturbant les régimes météorologiques mondiaux et accélérant les boucles de rétroaction climatique au-delà de la capacité humaine à les gérer. Pourtant, parmi les statistiques sobres émerge un optimisme prudent que la volonté politique pour une action significative pourrait enfin se matérialiser.
Alors que les délégués passent des sessions plénières aux groupes de travail, la question centrale demeure : cette conférence comblera-t-elle enfin le fossé entre les déclarations ambitieuses et la mise en œuvre véritable ? Ou nos océans—et les communautés qui en dépendent—continueront-ils à payer le prix de l’hésitation diplomatique ?