Le vaste hall du Salon international de l’auto canadien à Toronto bourdonnait d’activité la semaine dernière, mais sous les surfaces polies et les nouveaux modèles étincelants, une idée révolutionnaire gagnait du terrain. Flavio Volpe, président de l’Association des fabricants de pièces automobiles, a jeté son poids considérable dans l’industrie derrière une proposition audacieuse : créer un constructeur automobile canadien à propriété nationale pour la première fois depuis des décennies.
“Nous avons passé des générations à développer une expertise automobile dans ce pays,” m’a confié Volpe lors d’une entrevue exclusive au salon. “La capacité de concevoir, d’ingénierer et de fabriquer des véhicules existe ici même—ce qui manque, c’est l’étiquette canadienne.”
La proposition arrive à un moment critique pour le secteur automobile canadien, qui a traversé des tempêtes importantes ces dernières années. Les fabricants étrangers ont maintes fois réduit leurs opérations canadiennes tout en se développant au Mexique et dans le sud des États-Unis, emportant avec eux des milliers d’emplois bien rémunérés.
Les statistiques illustrent le défi : la production de véhicules canadiens est passée de 2,5 millions d’unités en 2000 à seulement 1,1 million en 2023. Pendant ce temps, la production du Mexique a grimpé de 1,9 million à 3,7 millions de véhicules durant la même période, selon les données de l’industrie.
Volpe, dont l’association représente des entreprises employant plus de 100 000 Canadiens, soutient que la transition vers les véhicules électriques présente une rare occasion de remodeler le paysage industriel. “La révolution des VÉ a remis les compteurs à zéro,” a-t-il déclaré. “Les avantages historiques comptent moins lorsque tout le monde apprend simultanément une nouvelle technologie.”
La proposition n’envisage pas une propriété gouvernementale mais suggère plutôt un soutien fédéral à travers des incitatifs fiscaux, des investissements complémentaires et des politiques d’approvisionnement qui aideraient à établir un constructeur automobile canadien privé. Cette approche reflète des modèles réussis dans des pays comme la Corée du Sud, où le soutien gouvernemental a aidé à transformer Hyundai d’un fabricant débutant en une puissance mondiale.
Les experts de l’industrie notent que le Canada possède les ingrédients essentiels pour réussir : talent en ingénierie, infrastructure manufacturière et accès aux minéraux essentiels pour les batteries. Le pays jouit également d’une position forte dans le secteur des affaires qui pourrait soutenir une entreprise aussi ambitieuse.
“Nous ne parlons pas de construire le prochain Tesla du jour au lendemain,” a expliqué l’analyste automobile Emma Richardson. “La stratégie se concentrerait probablement sur des véhicules spécialisés pour les flottes gouvernementales, les applications commerciales ou des segments de consommateurs de niche où l’innovation canadienne peut briller.”
Les critiques se demandent si un nouvel entrant peut concurrencer dans une industrie dominée par d’énormes acteurs mondiaux avec des économies d’échelle. Ils soulignent les récits de mise en garde d’autres efforts de champions nationaux qui ont échoué malgré le soutien gouvernemental.
Cependant, les partisans répondent que les métriques traditionnelles peuvent ne pas s’appliquer dans le paysage en rapide évolution des VÉ. “La structure de coûts pour les véhicules électriques diffère fondamentalement des moteurs à combustion interne,” note Volpe. “Avec moins de pièces mobiles et un assemblage simplifié, les barrières à l’entrée n’ont jamais été aussi basses.”
Plusieurs entreprises technologiques canadiennes ont déjà démontré leur prouesse dans le développement de composants pour les véhicules électriques et autonomes. Ce qui manque, c’est l’intégration de ces capacités sous une marque canadienne unifiée.
Le moment peut être propice alors que les gouvernements du monde entier cherchent à sécuriser les chaînes d’approvisionnement nationales pour les industries critiques suite aux perturbations liées à la pandémie. Le ministre canadien de l’Innovation a récemment signalé une ouverture à des “initiatives audacieuses” qui renforcent la résilience manufacturière du pays.
Une couverture médiatique récente a mis en évidence des investissements fédéraux dépassant 2 milliards de dollars dans des installations de production de batteries pour VÉ, suggérant un appétit pour des initiatives automobiles majeures.
Alors que l’industrie subit sa transformation la plus significative depuis un siècle, la proposition de Volpe soulève une question convaincante : le Canada saisira-t-il ce moment pour créer son propre destin automobile, ou continuera-t-il à observer depuis les coulisses pendant que d’autres nations capturent l’avenir de la mobilité?