Dans une contestation audacieuse de l’agenda vert d’Ottawa en matière de transport, les grands constructeurs automobiles ont officiellement demandé à Mark Carney, président de la campagne électorale du gouvernement libéral, d’aider à abroger le mandat canadien sur les véhicules zéro émission (VZE) – une pierre angulaire de la stratégie climatique du pays. Ce développement inattendu signale une tension croissante entre les priorités de l’industrie et la politique environnementale alors que le Canada navigue dans sa transition vers un transport durable.
L’Association canadienne des constructeurs de véhicules (ACCV), représentant des géants automobiles comme Ford, General Motors et Stellantis, a adressé ses préoccupations directement à Carney, soulignant ce qu’ils décrivent comme des délais de mise en œuvre « irréalistes ». Le mandat, qui exige que 20 % des nouveaux véhicules vendus d’ici 2026 soient à zéro émission, avec des augmentations graduelles jusqu’à 100 % d’ici 2035, est devenu un point de friction dans le débat continu sur le rythme de la transition verte du Canada.
« Le cadre actuel du mandat VZE crée des défis importants tant pour les fabricants que pour les consommateurs canadiens », a déclaré Brian Kingston, président de l’ACCV. « Bien que nous soutenions l’orientation générale vers un transport plus propre, le calendrier agressif ne tient pas compte des réalités du marché, des contraintes de la chaîne d’approvisionnement et des habitudes d’adoption des consommateurs. »
Les analystes de l’industrie soulignent plusieurs facteurs qui compliquent la conformité au mandat. Les ventes de véhicules électriques au Canada représentent actuellement environ 10 % des achats de nouveaux véhicules – une augmentation significative par rapport aux années précédentes, mais encore bien en deçà des objectifs mandatés. De plus, les lacunes en matière d’infrastructure demeurent substantielles, les réseaux de recharge étant encore sous-développés dans de nombreuses régions, particulièrement dans les communautés rurales et nordiques.
L’appel des constructeurs automobiles à Carney est stratégiquement significatif. En tant qu’ancien gouverneur de la Banque du Canada et voix économique respectée dans les cercles libéraux, Carney exerce une influence considérable sur l’orientation des politiques. Les fabricants espèrent que son expérience en finance et en politique climatique pourrait mener à un calendrier de mise en œuvre plus pragmatique qui équilibre les objectifs environnementaux avec les réalités économiques.
Le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault a défendu le mandat, notant que des politiques similaires ont réussi à accélérer l’adoption des véhicules électriques dans des juridictions comme la Colombie-Britannique et le Québec. « Le mandat VZE offre une certitude réglementaire aux constructeurs automobiles et signale aux consommateurs que le Canada s’engage vers un avenir de transport plus propre », a déclaré Guilbeault en réponse aux préoccupations de l’industrie.
Les groupes de défense des consommateurs ont exprimé des réactions mitigées. Alors que les organisations environnementales soutiennent fortement le mandat, les préoccupations d’accessibilité persistent. Le véhicule électrique moyen au Canada coûte environ 54 000 $ – substantiellement plus cher que les véhicules conventionnels – bien que les prix aient commencé à diminuer avec l’amélioration de la technologie et l’augmentation de la production.
« La transition vers les véhicules zéro émission représente une restructuration fondamentale du paysage automobile canadien », a expliqué Dre Joanna Martin, experte en politique de transport à l’Université de Toronto. « Bien que les avantages environnementaux soient clairs, les implications économiques pour les fabricants, les concessionnaires et les consommateurs sont complexes et nécessitent une gestion attentive. »
Le résultat de cette pression de l’industrie contre le mandat VZE influencera probablement la stratégie climatique plus large du Canada. Le secteur des transports représente environ 25 % des émissions de gaz à effet de serre du pays, rendant l’électrification des véhicules essentielle pour atteindre les objectifs climatiques nationaux.
Alors que ce débat se déroule, une question fondamentale émerge pour les décideurs politiques canadiens et les citoyens : comment équilibrer le besoin urgent d’action climatique avec les réalités pratiques de la transformation d’un système de transport complexe dont dépendent quotidiennement des millions de Canadiens?