Dans ce qui semble être un fossé grandissant entre le leadership provincial et les administrateurs de l’éducation, les commissions scolaires de l’Ontario contestent les affirmations du premier ministre Doug Ford concernant la suffisance du financement de l’éducation pour 2024. Malgré l’annonce par le gouvernement d’une augmentation de 1,8 milliard de dollars, les responsables des commissions scolaires à travers la province ont exprimé d’importantes préoccupations, soulignant que le financement demeure nettement insuffisant pour répondre aux besoins éducatifs croissants.
“Ce budget crée une illusion de générosité tout en ne tenant pas compte des pressions inflationnistes et de la complexité croissante des besoins des élèves,” a déclaré Cathy Abraham, présidente de l’Association des commissions scolaires publiques de l’Ontario, dans une déclaration qui a trouvé écho auprès des défenseurs de l’éducation dans toute la province. Les critiques d’Abraham mettent en évidence un décalage fondamental entre ce que l’administration Ford présente comme un investissement substantiel et ce que les prestataires d’éducation de première ligne décrivent comme des ressources inadéquates.
Le gouvernement Ford vante le nouveau budget de l’éducation comme historique, soulignant que l’enveloppe globale de l’éducation atteint maintenant 37,3 milliards de dollars. Le ministre de l’Éducation, Stephen Lecce, a répété à maintes reprises que ce chiffre représente une augmentation de 8,8 milliards de dollars depuis l’arrivée au pouvoir des Progressistes-Conservateurs en 2018. “Nous faisons des investissements sans précédent dans la réussite et le bien-être des élèves,” a déclaré Lecce lors d’une récente conférence de presse à Mississauga.
Cependant, les analystes de l’éducation et les responsables financiers des commissions scolaires dressent un tableau radicalement différent. Lorsqu’on tient compte de l’inflation, le financement par élève a en fait diminué d’environ 2,5 % depuis 2018, selon les calculs des chercheurs en politique éducative de l’Université de Toronto. Cette réduction effective survient à un moment où les écoles sont aux prises avec des coûts opérationnels accrus, des besoins de rattrapage d’apprentissage post-pandémique et des demandes croissantes en éducation spécialisée.
Le Conseil scolaire du district de Toronto, le plus grand conseil scolaire du Canada, prévoit un déficit dépassant 26 millions de dollars pour la prochaine année scolaire malgré l’augmentation du financement provincial. “On nous demande de fournir plus de services avec proportionnellement moins de ressources,” a expliqué la présidente du TDSB, Rachel Chernos Lin. “Les mathématiques ne fonctionnent tout simplement pas.”
Une préoccupation particulière pour de nombreux défenseurs de l’éducation concerne l’approche du gouvernement en matière de financement de l’éducation spécialisée, qui, selon les conseils, n’a pas suivi le rythme des besoins en augmentation dramatique. Les données des rapports du ministère de l’Éducation montrent une augmentation de 36 % des élèves nécessitant des services de soutien spécialisés depuis 2019, alors que le financement de l’éducation spécialisée n’a augmenté que de 12 % en dollars réels pendant la même période.
La Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l’Ontario a exprimé son inquiétude quant aux implications sur les conditions en classe. “Lorsque le financement ne correspond pas aux besoins, nous constatons des classes plus nombreuses, moins de personnel de soutien et une réduction des programmes,” a averti Karen Littlewood, présidente de la FEESO. “En fin de compte, ce sont les élèves qui subissent les conséquences de ces déficits.”
Le premier ministre Ford a rejeté ces critiques, les qualifiant de politiquement motivées, suggérant lors d’une récente conférence de presse que les conseils scolaires devraient se concentrer sur la recherche d’efficacités plutôt que de demander des fonds supplémentaires. “Nous investissons plus dans l’éducation que n’importe quel gouvernement dans l’histoire de l’Ontario,” a déclaré Ford. “À un moment donné, les conseils doivent se débrouiller avec ce qu’ils ont.”
Cette réponse a davantage intensifié le débat, la Fédération des enseignantes et des enseignants élémentaires de l’Ontario qualifiant les commentaires du premier ministre de “déconnectés des réalités des salles de classe.” Karen Brown, présidente de la FEEO, a noté que les conseils ont déjà éliminé de nombreux postes et programmes au cours des cinq dernières années en réponse aux contraintes de financement.
La controverse sur le financement survient au milieu de tendances préoccupantes dans les résultats des élèves. Les récents résultats des tests normalisés de l’OQRE ont révélé une baisse des résultats en mathématiques et un élargissement des écarts de réussite, particulièrement chez les élèves issus de milieux socioéconomiques défavorisés. Les experts en éducation suggèrent que ces résultats pourraient refléter l’impact cumulatif des limitations de ressources dans les écoles ontariennes.
Les organisations de parents se sont jointes au concert d’inquiétudes. Le Réseau d’action des parents de l’Ontario a organisé une série de forums communautaires à travers la province pour discuter des implications budgétaires. “Les parents s’inquiètent de plus en plus de la diminution des programmes, des classes plus nombreuses et du manque de soutien pour les élèves en difficulté,” a déclaré Kidist Bekele, coordinatrice du RAPO.
Alors que les conseils scolaires finalisent leurs budgets pour la prochaine année scolaire, des décisions difficiles se profilent. Plusieurs conseils ont déjà annoncé des réductions de personnel, des coupes dans les programmes et le report des améliorations des installations. Le Conseil scolaire du district de Peel a récemment confirmé l’élimination de 120 postes d’enseignants, tandis qu’Ottawa-Carleton prévoit de réduire les programmes spécialisés dans les arts et la technologie.
Le débat sur le financement de l’éducation reflète des questions plus larges sur les priorités fiscales de l’Ontario pendant une période d’incertitude économique. Alors que les parents, les éducateurs et les élèves se préparent pour une autre année scolaire, beaucoup se demandent : l’investissement de la province soutiendra-t-il vraiment le système d’éducation de qualité dont l’Ontario s’est longtemps enorgueilli, ou sommes-nous témoins de l’érosion progressive de l’une de nos institutions publiques les plus essentielles?