Les eaux glacées de l’Atlantique Nord ont longtemps servi de témoin silencieux de la danse stratégique entre les puissances mondiales. Aujourd’hui, alors que le Canada et l’Union européenne forgent une collaboration sans précédent en matière de défense, ces eaux pourraient bientôt raconter une tout autre histoire.
Lors de discussions de haut niveau à Bruxelles la semaine dernière, la ministre canadienne de la Défense Anita Anand et le Haut Représentant de l’UE Josep Borrell ont annoncé un cadre de coopération de défense historique conçu pour contrer les menaces émergentes et réduire la dépendance envers les États-Unis. L’accord, que de nombreux analystes qualifient de “transformateur”, représente l’initiative canadienne la plus importante en matière de sécurité européenne en dehors de l’OTAN depuis des décennies.
“Ce partenariat reflète nos valeurs démocratiques communes et notre engagement envers un ordre international fondé sur des règles,” a déclaré la ministre Anand aux journalistes lors de la conférence de presse conjointe. “À une époque où les puissances autoritaires testent notre détermination, le Canada et l’Europe démontrent une unité d’intention.”
La coopération s’étend au-delà des exercices militaires traditionnels pour inclure le développement conjoint d’armements, le partage de renseignements et des réponses coordonnées aux menaces hybrides—un changement notable pour le Canada, qui a historiquement canalisé la plupart de sa collaboration en matière de défense via les canaux de l’OTAN.
La Dre Marie Lecomte, analyste de défense du Collège militaire royal du Canada, souligne plusieurs facteurs qui motivent cette approche bilatérale. “L’imprévisibilité de l’engagement américain envers l’OTAN, particulièrement après l’ambivalence de l’administration Trump et avec une autre élection qui approche, a accéléré les initiatives européennes d’autonomie en matière de défense,” explique-t-elle. “Le Canada reconnaît que s’associer à cet élan européen sert ses intérêts stratégiques.”
Le cadre cible spécifiquement la sécurité arctique, la cybersécurité et la connaissance du domaine maritime comme domaines prioritaires. Les responsables européens ont exprimé un intérêt particulier pour l’expérience du Canada en matière d’opérations arctiques, tandis que le Canada pourrait bénéficier des capacités cyber avancées et de la base industrielle de défense de l’UE.
Les implications financières demeurent substantielles. L’accord inclut des dispositions pour la participation canadienne au Fonds européen de défense, ouvrant potentiellement des portes aux fabricants canadiens de défense pour soumissionner à des projets européens d’une valeur estimée à 8 milliards d’euros annuellement d’ici 2027. L’entreprise canadienne CAE a déjà annoncé des plans d’expansion de sa division de technologie de simulation en partenariat avec des homologues français et allemands.
“Il ne s’agit pas seulement de sécurité—c’est aussi une opportunité économique,” note Richard Shimooka, chercheur principal à l’Institut Macdonald-Laurier. “L’industrie canadienne gagne l’accès aux marchés publics européens de défense tandis que les Européens bénéficient de l’expertise canadienne dans des domaines spécifiques.”
Les réactions des cercles politiques canadiens ont été largement favorables, mais non sans critiques. Le critique de l