L’air du soir au BMO Field vibrait d’une énergie à la fois familière et révolutionnaire. Alors que les joueuses prenaient place sur le terrain pour la première édition de la Coupe Diana Matheson, quelque chose de profond se produisait — pas seulement une célébration du soccer féminin, mais un aperçu de ce qui pourrait devenir la nouvelle norme pour ce sport au Canada.
Nommé d’après l’une des footballeuses les plus décorées du Canada, ce tournoi représente bien plus que de simples matchs compétitifs. Diana Matheson, avec ses 206 sélections internationales et ses médailles de bronze olympiques, s’est transformée de maestro du milieu de terrain en architecte visionnaire du soccer professionnel féminin dans notre pays. Sa mission post-carrière a été limpide : construire des parcours professionnels durables pour les Canadiennes dans le sport qu’elles aiment, sur leur propre sol.
“Nous créons quelque chose qui aurait dû exister depuis des décennies,” m’a confié Matheson lors de notre conversation au bord du terrain. “Ces athlètes méritent des opportunités professionnelles sans devoir quitter le pays, et les supporteurs canadiens méritent de voir des talents de classe mondiale dans leur propre cour.”
Ce qui rend la Coupe Diana Matheson particulièrement importante, c’est son timing — arrivant au moment où le sport féminin connaît une croissance sans précédent partout en Amérique du Nord. L’audience télévisuelle pour les sports féminins a augmenté de plus de 20% annuellement pendant trois années consécutives. Les commandites corporatives, autrefois au compte-gouttes, approchent maintenant du niveau d’inondation. La WNBA, la NWSL et le basketball universitaire féminin ont tous battu des records d’affluence.
Pourtant le Canada, malgré ses médaillées d’or olympiques et ses stars mondiales du soccer, a pris du retard dans la création d’infrastructures professionnelles. L’établissement de ce tournoi représente une étape cruciale vers la vision plus large de Matheson : Projet 8, la ligue professionnelle de soccer féminin qui doit être lancée en 2025.
“L’écart entre le succès de notre équipe nationale et les opportunités professionnelles locales a été stupéfiant,” a noté Christine Sinclair, l’iconique attaquante canadienne et meilleure buteuse internationale de tous les temps. “Diana construit le pont dont des générations de joueuses canadiennes ont rêvé.”
Le tournoi lui-même a offert une action captivante. Les compétences techniques étaient pleinement exposées, avec un flair offensif qui a captivé la foule étonnamment diverse. Les familles avec jeunes filles prédominaient, mais la diversité démographique suggérait quelque chose d’important : le soccer féminin s’intègre dans la culture sportive grand public au Canada, n’étant plus cantonné comme un intérêt de niche.
Ce qui me frappe le plus dans ce développement, c’est comment il représente un profond changement culturel. Quand j’ai commencé à couvrir le sport il y a quinze ans, les compétitions féminines étaient souvent reléguées aux dernières pages et aux créneaux de diffusion les moins favorables. Aujourd’hui, nous sommes témoins non seulement d’une visibilité accrue mais d’un véritable investissement — tant financier qu’émotionnel — de la part des fans, des commanditaires et des médias.
L’économie raconte une histoire convaincante. Le parrainage pluriannuel de la coupe par la Banque de Montréal signale la reconnaissance croissante du Canada corporatif que les sports féminins représentent non pas une œuvre caritative mais une opportunité. Les études de marché montrent constamment que les marques associées aux sports féminins jouissent d’une confiance plus élevée et d’une plus forte loyauté parmi les consommateurs — particulièrement dans la convoitée démographie des 18-34 ans.
“Il ne s’agit pas seulement de créer des opportunités de jeu,” a expliqué l’ancienne gardienne de but de l’équipe nationale Erin McLeod durant les commentaires du tournoi. “Il s’agit de construire un écosystème entier — entraîneures, administratrices, diffuseurs, professionnelles du marketing — tout centré autour du sport féminin.”
La couverture complète de CBC Sports signale également un changement. Des créneaux aux heures de grande écoute, des valeurs de production professionnelles et des commentaires réfléchis ont élevé le tournoi au-delà du statut de nouveauté. Ce n’était pas une couverture qui semblait obligatoire; c’était du contenu que les producteurs savaient que le public voulait vraiment voir.
La voie à suivre n’est pas sans défis. Les ligues sportives féminines professionnelles font face à des obstacles de durabilité partout, de la sécurisation de lieux appropriés à l’établissement de structures de rémunération qui permettent aux athlètes de se concentrer uniquement sur leur art. Projet 8 devra naviguer dans ces complexités sur un marché canadien qui n’a pas toujours embrassé le soccer au niveau professionnel.
Pourtant, l’enthousiasme entourant la Coupe Diana Matheson suggère qu’un changement profond s’est opéré. Les milliers de jeunes joueuses présentes ne regardaient pas simplement un match — elles étaient témoins d’une preuve tangible que leurs rêves ont des débouchés professionnels légitimes dans leur propre pays.
Alors que je regardais une jeune fille suivre chaque mouvement de Christine Sinclair depuis les tribunes, je ne pouvais m’empêcher de penser à quel point sa relation avec ce sport sera différente comparée aux générations précédentes. Elle ne rêvera pas seulement de gloire olympique lors de moments quadriennaux lointains — elle aura des héroïnes professionnelles à suivre chaque semaine, dans son propre fuseau horaire, peut-être même dans sa propre ville.
Cette transformation — du spectacle occasionnel de l’équipe nationale à un sport professionnel tissé dans la vie quotidienne — représente le véritable héritage de Diana Matheson. Bien au-delà de ses réalisations sur le terrain, elle aide à redéfinir ce qui est possible pour les femmes dans le sport canadien. Et cette victoire pourrait finalement briller encore plus que l’or olympique.