Dans une décision de dernière minute, la Cour fédérale du Canada a temporairement suspendu le programme controversé d’abattage d’autruches de la Colombie-Britannique, qui devait commencer ce week-end dans la région intérieure de la province. L’injonction d’urgence, émise tard jeudi soir, accorde un sursis à environ 2 800 autruches d’élevage que les autorités provinciales avaient ciblées pour destruction suite à la détection d’une souche de grippe aviaire hautement pathogène.
“Cette pause représente un moment crucial tant pour la politique agricole que pour les considérations de bien-être animal au Canada,” a déclaré la juge Eleanor Harmon dans sa décision. “La cour reconnaît les conséquences substantielles et potentiellement irréversibles de procéder à l’abattage avant une audience complète sur ses mérites scientifiques et juridiques.”
La contestation juridique a été menée par l’Association des oiseaux de spécialité de la C.-B. et une coalition d’éleveurs d’autruches qui soutiennent que la décision du gouvernement provincial a été prise sans preuves scientifiques suffisantes et sans consultation adéquate. Leur appel affirme que la variante du virus H5N1 détectée présente un risque de transmission minimal chez les ratites comparativement aux espèces de volaille.
Dre Melissa Chen, épidémiologiste vétérinaire principale pour les plaignants, a expliqué que les protocoles internationaux n’imposent pas nécessairement l’abattage massif comme seule réponse. “D’autres juridictions ont mis en œuvre avec succès des protocoles de quarantaine et de surveillance pour les exploitations d’autruches sans recourir à une dépopulation complète,” a expliqué Chen. “Ces oiseaux représentent des millions en investissement et des décennies d’élevage minutieux.”
Le ministère provincial de l’Agriculture avait déclaré l’abattage essentiel pour protéger l’industrie avicole plus large de la C.-B., qui contribue à plus de 600 millions de dollars annuellement à l’économie provinciale. Le porte-parole du ministère, William Tanner, a exprimé sa déception face à la décision de la cour, déclarant: “Chaque jour de retard augmente le potentiel de propagation aux exploitations avicoles conventionnelles, déclenchant potentiellement des conséquences économiques beaucoup plus importantes.”
L’affaire a capté l’attention nationale car elle met en lumière les tensions entre les politiques de sécurité agricole du Canada et le secteur agricole spécialisé en pleine croissance. L’élevage d’autruches s’est considérablement développé dans l’intérieur de la C.-B. au cours de la dernière décennie, les oiseaux étant principalement élevés pour leur viande maigre, leur cuir et leurs plumes, dans ce qui est devenu une industrie de 45 millions de dollars pour la province.
Des analystes de l’industrie notent que l’issue de cette affaire pourrait établir d’importants précédents sur la façon dont les autorités canadiennes équilibrent la gestion des maladies avec les considérations économiques pour les secteurs agricoles émergents. Les mécanismes de compensation pour les agriculteurs touchés demeurent un autre point litigieux, les programmes actuels étant conçus principalement pour les exploitations avicoles conventionnelles.
La cour a programmé une audience accélérée pour le 3 juillet, donnant aux deux parties deux semaines pour préparer leurs arguments. La juge Harmon a souligné que l’injonction temporaire “ne doit pas être interprétée comme un jugement sur le fond de l’affaire, mais plutôt garantit qu’aucune action irréversible ne soit prise avant un examen judiciaire approprié.”
Entre-temps, les éleveurs d’autruches sous protocoles stricts de biosécurité continuent de surveiller leurs troupeaux toutes les heures pour détecter tout signe de maladie. “Ce ne sont pas juste du bétail pour nous,” a déclaré Maria Kostova, qui exploite une ferme de 300 oiseaux près de Kamloops. “Ils sont l’aboutissement de quinze ans de travail pour bâtir une entreprise agricole durable que les consommateurs valorisent de plus en plus.”
Alors que le Canada navigue dans des défis agricoles de plus en plus complexes à l’intersection du changement climatique, des maladies émergentes et des systèmes alimentaires en évolution, comment devrions-nous reconsidérer notre approche de la gestion des risques tout en protégeant les exploitations agricoles spécialisées qui représentent la diversité économique rurale?