Les couloirs du pouvoir à Fredericton sont étrangement silencieux sur une question cruciale de soins de santé : le Nouveau-Brunswick va-t-il enfin élargir son programme d’assurance-médicaments pour offrir une couverture complète des médicaments et fournitures pour le diabète ? Alors que les discussions sur l’assurance-médicaments nationale s’accélèrent suite à l’entente entre les libéraux fédéraux et le NPD, les 60 000 diabétiques de la province restent pris dans un équilibre financier précaire.
“Chaque mois, je dois décider quels médicaments je peux me permettre et lesquels je devrai sauter,” confie Jennifer Landry, résidente de Moncton, qui dépense plus de 400 $ par mois pour gérer son diabète de type 1. “Ça ne devrait pas être comme ça au Canada.”
Le Nouveau-Brunswick offre actuellement une couverture limitée par le biais de divers programmes, notamment le Régime médicaments du Nouveau-Brunswick et le Programme de médicaments sur ordonnance pour les aînés. Cependant, ces programmes présentent d’importantes lacunes, avec des franchises et des quotes-parts qui peuvent rendre les outils essentiels de gestion du diabète financièrement inaccessibles pour de nombreux résidents.
Le ministre de la Santé, Bruce Fitch, a reconnu à plusieurs reprises l’importance des soins du diabète, mais est resté non engagé quant à l’élargissement de la couverture provinciale. Lorsqu’interrogé sur d’éventuels changements au programme d’assurance-médicaments, son bureau n’a fourni qu’une brève déclaration : “Le ministère continue de suivre l’évolution du cadre national d’assurance-médicaments et évaluera les changements aux programmes provinciaux en conséquence.”
Cette approche attentiste contraste fortement avec celle de la Nouvelle-Écosse voisine, qui a récemment amélioré son programme d’aide aux diabétiques pour couvrir les moniteurs de glucose en continu pour les patients de moins de 25 ans. Pendant ce temps, l’Île-du-Prince-Édouard offre une couverture universelle des pompes à insuline pour les résidents de moins de 25 ans, indépendamment du revenu familial.
“Le Nouveau-Brunswick est à la traîne par rapport aux autres provinces atlantiques,” note la Dre Sarah Williams, endocrinologue à l’Hôpital régional de Saint-Jean. “Les preuves sont claires : une bonne observance des médicaments et un suivi adéquat réduisent considérablement les complications à long terme et les hospitalisations, ce qui, en fin de compte, fait économiser de l’argent à notre système de santé.”
L’argument économique en faveur d’une couverture élargie est convaincant. Selon Diabète Canada, une personne atteinte de diabète engage des frais médicaux environ trois fois plus élevés qu’une personne non diabétique. Lorsque les patients ne peuvent pas se permettre des outils de gestion appropriés, les complications qui en résultent entraînent une augmentation des visites aux urgences et des hospitalisations.
Les négociations nationales en cours sur l’assurance-médicaments ont suscité à la fois espoir et incertitude. Bien que le cadre fédéral promette une couverture éventuelle des médicaments contre le diabète, les délais de mise en œuvre restent flous. Le plan fédéral priorise initialement les contraceptifs et les médicaments contre le diabète, mais les provinces doivent y adhérer — et le Nouveau-Brunswick ne s’est pas encore engagé à participer.
Des députés progressistes-conservateurs ont exprimé en privé des préoccupations concernant les implications fiscales d’une expansion de la couverture provinciale tout en contribuant à un programme national. Le critique de l’opposition en matière de santé, Robert McKee, qualifie ce raisonnement d'”excuse pour l’inaction”, soulignant la récente décision de la Colombie-Britannique d’élargir la couverture des pompes à insuline tout en participant au cadre national.
Pour des patients comme Michael Thompson de Fredericton, les débats politiques semblent déconnectés de la réalité quotidienne. “Je saute des tests de glucose pour faire durer mes bandelettes plus longtemps,” explique Thompson. “Les politiciens ne comprennent pas ce que c’est que de choisir entre tester sa glycémie et payer sa facture d’électricité.”
Alors que les discussions sur l’assurance-médicaments nationale se poursuivent à huis clos, la communauté diabétique du Nouveau-Brunswick observe avec un optimisme prudent. La question demeure : la province prendra-t-elle des mesures indépendantes pour combler le fossé, ou des milliers de personnes continueront-elles à lutter en attendant une solution nationale qui reste à des années d’une mise en œuvre complète ?
Quel prix sommes-nous prêts à mettre sur la santé de 60 000 Néo-Brunswickois pris entre les promesses politiques et la réalité quotidienne de la gestion d’une maladie chronique ?