Le désespoir gravé sur les visages dans le nord de Gaza est devenu un témoignage poignant de ce que de nombreuses organisations d’aide qualifient maintenant de crise de la faim à part entière. Alors que les réserves alimentaires diminuent jusqu’à des niveaux catastrophiques, les Palestiniens font face à un choix impossible : risquer la mort par des tirs israéliens en cherchant de l’aide ou succomber lentement à la famine.
“Nous n’avons pas mangé de pain depuis des mois,” explique Mahmoud al-Kahlout, père de trois enfants qui a récemment parcouru plusieurs kilomètres à pied pour atteindre un point de distribution alimentaire. “Quand nous avons entendu que des camions d’aide pourraient arriver, des centaines d’entre nous se sont rassemblés avant l’aube. Les gens sont prêts à tout risquer juste pour rapporter de la farine à leurs enfants.”
Selon la dernière évaluation de l’ONU, plus de 90% des 2,3 millions d’habitants de Gaza font face à une grave insécurité alimentaire, avec des conditions dans les zones du nord comme le camp de réfugiés de Jabalia qui approchent les seuils de famine. Le Programme alimentaire mondial rapporte que le Gazaoui moyen consomme actuellement moins de 500 calories par jour—moins d’un quart de l’apport recommandé.
La crise découle de multiples facteurs qui s’aggravent mutuellement. Les opérations militaires israéliennes ont sévèrement restreint les corridors d’accès humanitaire, tandis que les infrastructures endommagées ont paralysé la production alimentaire locale. Pendant ce temps, les organisations d’aide signalent des défis importants dans la livraison d’assistance en raison des contraintes de sécurité et des obstacles bureaucratiques.
“Nous assistons à l’effondrement systématique du système de distribution alimentaire,” explique Dr. Helena Ramsay, coordinatrice de réponse d’urgence pour la Coalition d’aide internationale. “Même lorsque les camions d’aide franchissent les points de contrôle, la distribution réelle devient souvent chaotique et dangereuse, avec des personnes écrasées dans des bousculades ou exposées à des tirs.”
La situation a créé ce que Médecins Sans Frontières décrit comme des “zones de mort” autour des points de livraison d’aide. La semaine dernière seulement, au moins 17 Palestiniens ont été tués lors d’événements chaotiques de distribution alimentaire, dont huit enfants. Des témoins décrivent des personnes abattues alors qu’elles tentaient de récupérer des colis largués lors de parachutages humanitaires.
“J’ai vu un jeune homme s’effondrer à quelques mètres de moi,” raconte Samira, une enseignante de 43 ans de Gaza-ville qui a demandé que son nom de famille soit omis. “Il avait de la farine dans les mains quand la balle l’a touché. Personne ne pouvait aider—tout le monde courait.”
Cette crise humanitaire sans précédent a provoqué une pression internationale croissante pour des solutions durables. La ministre canadienne des Affaires étrangères Mélanie Joly a récemment rejoint d’autres homologues du G7 pour appeler à “un accès humanitaire immédiat et sans entrave” à toutes les zones de Gaza, soulignant que l’insécurité alimentaire aux niveaux actuels constitue une violation du droit humanitaire international.
Les responsables israéliens maintiennent que les mesures de sécurité sont nécessaires pour empêcher que l’aide ne soit détournée vers le Hamas, tout en soulignant les efforts pour augmenter le flux d’aide par de nouveaux corridors établis. Cependant, les organisations humanitaires soutiennent que les mesures actuelles sont catastrophiquement insuffisantes pour répondre aux besoins fondamentaux.
Les impacts économiques vont au-delà de la faim immédiate. Le secteur agricole de Gaza—qui produisait autrefois 60% des besoins alimentaires locaux—a été décimé. Les agriculteurs signalent l’impossibilité d’accéder aux champs, tandis que les zones de pêche restent restreintes. Les analystes de marché estiment que la reconstruction des infrastructures de sécurité alimentaire nécessitera des milliards d’investissements sur plusieurs années.
“Il ne s’agit plus seulement de livraison alimentaire d’urgence,” explique Dr. Amjad Nasser, économiste spécialisé dans le développement du Moyen-Orient. “Nous assistons à l’effondrement d’un système alimentaire entier qui soutenait des millions de personnes. Les implications à long terme pour la santé, la stabilité économique et la cohésion sociale sont profondes.”
Alors que les efforts diplomatiques se poursuivent et que les agences humanitaires travaillent à établir des réseaux de distribution plus fiables, la réalité quotidienne pour les Gazaouis reste désastreuse. Beaucoup passent désormais toute leur journée à chercher de la nourriture, naviguant dans un paysage de plus en plus dangereux où le besoin humain le plus fondamental est devenu une quête potentiellement mortelle.