À une époque où les institutions démocratiques font l’objet d’un examen sans précédent, le commentateur politique chevronné Andrew Coyne a lancé un sérieux avertissement sur l’état de la démocratie canadienne. Lors d’une récente entrevue approfondie, Coyne a évoqué ce qu’il décrit comme une “crise au ralenti” qui se déroule dans le système parlementaire canadien—une crise qui se prépare depuis des décennies mais qui menace maintenant les fondements mêmes de la gouvernance représentative.
“Nous assistons à l’aboutissement d’un long processus de concentration du pouvoir,” a expliqué Coyne, soulignant la centralisation graduelle mais implacable de l’autorité au sein du Bureau du Premier ministre. “Ce qui a été conçu comme un système de freins et contrepoids est progressivement devenu un mécanisme de domination exécutive, peu importe le parti au pouvoir.”
Cette détérioration transcende les lignes partisanes et les gouvernements individuels. Selon Coyne, les administrations successives ont contribué à cette érosion démocratique en affaiblissant la surveillance parlementaire, en limitant les débats et en employant des tactiques procédurales pour contourner l’examen législatif approprié. Le phénomène s’est accéléré ces dernières décennies, la politique canadienne devenant de plus en plus centrée sur les chefs aux dépens d’une délibération parlementaire significative.
Ce qui est peut-être le plus préoccupant est ce que Coyne identifie comme un décalage croissant entre les élus et leurs électeurs. “Les députés sont effectivement devenus des délégués de leurs chefs de parti plutôt que des représentants de leurs communautés,” a-t-il noté. “La discipline de parti au Canada est parmi les plus strictes de tous les systèmes démocratiques, transformant les parlementaires en simples machines à voter pour leurs partis respectifs.”
Les conséquences vont au-delà des préoccupations abstraites concernant les normes constitutionnelles. Coyne soutient que ce déficit démocratique affecte directement les résultats politiques, conduisant à une gouvernance médiocre et à une confiance publique diminuée. Lorsque l’actualité canadienne se concentre principalement sur les personnalités des dirigeants plutôt que sur des débats politiques de fond, les citoyens se désengagent progressivement du processus politique.
Des experts en gouvernance démocratique ont fait écho aux préoccupations de Coyne. La professeure Elizabeth Goodyear-Grant de l’Université Queen’s a déclaré à CO24 que “l’hyper-centralisation du pouvoir a transformé la démocratie parlementaire en quelque chose qui ressemble davantage à une monarchie élue avec des mandats de quatre ans.” Ce sentiment reflète un consensus académique croissant sur le déclin institutionnel dans les structures politiques canadiennes.
Les implications financières de ce déficit démocratique sont également substantielles. Des analystes de marché ont noté que l’incertitude politique découlant d’une prise de décision concentrée crée une volatilité économique. “Lorsque des décisions majeures sont prises sans débat ou surveillance appropriés, la confiance des entreprises en souffre,” a expliqué l’économiste Armine Yalnizyan. “Les institutions démocratiques ne concernent pas seulement les droits—elles visent aussi à créer des environnements prévisibles pour la croissance économique.”
La voie à suivre, selon Coyne, nécessite des réformes substantielles. Celles-ci comprennent le renforcement des comités parlementaires, la réduction de la discipline de parti, l’autonomisation des députés individuels, et potentiellement la révision des systèmes électoraux qui pourraient mieux traduire les préférences des électeurs en résultats représentatifs. Bien que certains critiques rejettent ces propositions comme irréalistes, Coyne maintient qu’un progrès progressif est à la fois possible et nécessaire.
“La réforme démocratique n’est pas un luxe—c’est un impératif,” insiste-t-il. “L’alternative est de continuer sur une voie où les citoyens se sentent de plus en plus impuissants et déconnectés de leur propre gouvernance.”
Alors que le Canada navigue à travers des défis mondiaux complexes, de l’incertitude économique au changement climatique, la question de la capacité démocratique devient de plus en plus urgente. Un système avec un pouvoir concentré et une capacité délibérative limitée peut-il efficacement aborder des problèmes multiformes nécessitant un large consensus? Ou une réforme constitutionnelle deviendra-t-elle nécessaire pour restaurer la fonction représentative de la démocratie canadienne?
La réponse déterminera si les générations futures hériteront d’une démocratie qui reflète véritablement la volonté de ses citoyens ou qui préserve simplement son apparence démocratique tandis que le pouvoir reste fermement entre les mains de quelques-uns.