Alors que la fumée couvre l’horizon et que les flammes empiètent sur leurs terres ancestrales, des milliers de membres des communautés des Premières Nations du nord de l’Ontario se retrouvent pris dans ce que les autorités qualifient de saison des feux de forêt la plus grave depuis des décennies pour cette période de l’année.
La crise s’est intensifiée ce week-end lorsqu’environ 2 700 résidents de la Première Nation d’Eabametoong, située à 350 kilomètres au nord de Thunder Bay, ont été contraints d’évacuer leurs maisons après qu’un incendie baptisé RED068 se soit dangereusement rapproché de leur communauté. Les flammes, qui s’étendent maintenant sur plus de 10 500 hectares, ne représentent qu’un des 48 feux de forêt actifs qui brûlent actuellement dans le nord de l’Ontario, selon les autorités provinciales.
“Il ne s’agit pas seulement de quitter nos maisons – ce sont nos territoires traditionnels, nos espaces culturels, des lieux où des générations ont vécu,” a déclaré le Chef Solomon Atlookan de la Première Nation d’Eabametoong dans un communiqué publié samedi. “La communauté éprouve une profonde détresse alors que les familles sont séparées et déplacées pendant cette urgence.”
Le ministère des Richesses naturelles et des Forêts de l’Ontario rapporte que les conditions météorologiques ont créé un contexte parfait pour la propagation des incendies, avec des conditions inhabituellement sèches et des vents forts accélérant la progression des flammes. Shayne McCool, porte-parole des Services d’urgence, d’aviation et de lutte contre les feux de forêt, a noté que la province a déjà enregistré 343 feux de forêt cette année – presque le double de la moyenne décennale pour cette période de la saison.
Pour les évacués, le voyage vers la sécurité a été rempli de défis logistiques. Beaucoup ont été transportés par avion vers des communautés d’accueil, notamment Thunder Bay, Timmins et Kapuskasing, où les refuges d’urgence approchent rapidement de leur capacité maximale. Services aux Autochtones Canada a engagé des ressources fédérales pour soutenir les efforts d’évacuation, mais les dirigeants communautaires expriment des inquiétudes quant à l’adéquation des arrangements d’hébergement.
“Nous constatons une pression importante sur les communautés d’accueil qui s’efforcent d’héberger les évacués dans la dignité,” a déclaré le Grand Chef de la NAN, Alvin Fiddler, dans une entrevue. “Cela souligne le besoin crucial d’une planification complète des interventions d’urgence pour les communautés éloignées des Premières Nations qui font face à ces menaces avec une fréquence croissante.”
Les climatologues ont averti que les régions nordiques du Canada connaissent un réchauffement presque trois fois supérieur à la moyenne mondiale, créant des conditions favorables à des saisons de feux de forêt plus fréquentes et plus intenses. La crise actuelle fait suite à la dévastatrice saison des feux de forêt de 2023, qui a établi des records en termes de superficie brûlée et de déplacements à travers le pays.
Le ministre provincial de la Préparation aux situations d’urgence, Rob Flack, a annoncé le déploiement de ressources supplémentaires dans les zones touchées, y compris 200 pompiers provenant d’autres provinces et des équipements spécialisés pour lutter contre la propagation des incendies. Cependant, avec des prévisions annonçant des conditions sèches continues et la possibilité de foudre, les autorités reconnaissent que la situation pourrait s’aggraver avant qu’une amélioration puisse être espérée.
Pour les communautés touchées, l’évacuation représente plus qu’un déplacement physique – elle menace la continuité culturelle et exacerbe les défis socioéconomiques existants. De nombreux évacués signalent avoir laissé derrière eux des articles essentiels, des médicaments traditionnels et, dans certains cas, des artefacts culturels irremplaçables.
“Quand notre peuple est évacué, nous ne déplaçons pas seulement des corps – nous perturbons les liens spirituels avec la terre qui forment le fondement de nos identités,” a expliqué l’Aînée Margaret Oskineegish, qui figurait parmi les évacués d’Eabametoong. “Le traumatisme de ces déplacements répétés s’ajoute aux injustices historiques auxquelles nos communautés ont été confrontées.”
Alors que la politique s’entrecroise avec la réponse aux catastrophes, des questions émergent concernant les solutions à long terme. Les défenseurs autochtones réclament un investissement accru dans la préparation communautaire aux situations d’urgence, les pratiques traditionnelles de gestion des feux et les améliorations des infrastructures qui rendraient les communautés éloignées plus résilientes face aux menaces liées au climat.
Alors que cette crise se déroule dans le nord de l’Ontario, une question devient de plus en plus urgente : comment le Canada peut-il concilier ses engagements en matière d’action climatique avec les besoins immédiats et croissants des communautés des Premières Nations qui se retrouvent en première ligne de notre environnement en mutation?