Les enfants aux yeux creux du nord de Gaza racontent une histoire plus puissante que n’importe quelle statistique. Alors que l’hiver approche, plus d’un demi-million de Palestiniens font face à ce que les experts appellent une “faim catastrophique” – un terme clinique qui ne parvient pas à capturer la souffrance humaine qui se déroule en temps réel à travers le territoire assiégé.
“Nous n’avons pas vu de pain depuis des semaines,” témoigne Amal Khadir, une mère de quatre enfants de 34 ans originaire de Jabalia. “Mes enfants s’endorment en pleurant. Que puis-je leur dire? Que le monde est au courant mais pas assez préoccupé pour agir?”
Le Programme alimentaire mondial des Nations Unies rapporte qu’environ 570 000 personnes à Gaza – près d’un quart de la population – connaissent maintenant la catégorie la plus sévère d’insécurité alimentaire. Cela représente une détérioration dramatique depuis l’été, lorsque les organisations humanitaires avertissaient que les systèmes alimentaires à Gaza s’étaient effectivement effondrés.
Les travailleurs humanitaires internationaux décrivent la situation dans le nord de Gaza comme particulièrement alarmante. “La situation a dépassé le stade de crise humanitaire pour devenir quelque chose de bien plus sinistre,” explique Dr. Raed Mansour, médecin chez Médecins Sans Frontières. “Nous observons des cas cliniques de famine chez des enfants que je n’avais auparavant rencontrés que dans les pires famines en Afrique.”
La crise découle d’un concours de circonstances désastreux: conflit persistant, infrastructures endommagées et restrictions sévères sur l’accès humanitaire. Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU, moins de 30% des fournitures d’aide nécessaires sont entrées à Gaza au cours du mois dernier, malgré les ordonnances des tribunaux internationaux exigeant un accès humanitaire sans entrave.
Les organisations d’aide signalent que les préoccupations sécuritaires, les obstacles bureaucratiques et les routes endommagées continuent d’entraver les efforts de distribution. “Nous avons de la nourriture qui attend dans des entrepôts que nous ne pouvons tout simplement pas livrer,” affirme Jana Khalidi, directrice régionale d’une importante organisation d’aide. “Chaque jour qui passe sans distribution d’aide suffisante nous rapproche davantage d’une famine généralisée.”
Les dimensions économiques de cette crise sont tout aussi dévastatrices. L’analyse de CO24 Affaires indique que l’infrastructure économique de Gaza a subi plus de 18 milliards de dollars de dommages, éliminant effectivement la plupart des activités commerciales normales. Les prix des denrées alimentaires ont explosé, les produits de base coûtant jusqu’à huit fois leur niveau d’avant le conflit, quand ils sont disponibles.
Les responsables de la santé préviennent que la malnutrition a des conséquences dévastatrices à long terme au-delà des souffrances immédiates. Les enfants qui survivent à une malnutrition sévère font souvent face à des déficiences cognitives permanentes, à un retard de croissance et à des complications sanitaires à vie. “Nous créons une génération qui portera ces cicatrices – physiques et psychologiques – pendant des décennies,” explique Dr. Mansour.
Malgré une couverture médiatique étendue de la crise, la réponse internationale a été fragmentée et insuffisante. La couverture des Nouvelles du Monde montre que les efforts diplomatiques pour établir des corridors humanitaires durables ont régulièrement échoué au milieu des préoccupations sécuritaires et des désaccords politiques.
La ministre canadienne des Affaires étrangères Mélanie Joly a récemment qualifié la situation d'”inacceptable” et s’est engagée à verser 25 millions de dollars supplémentaires en aide humanitaire, portant la contribution totale du Canada à 175 millions de dollars depuis le début de la crise. Cependant, les organisations d’aide soulignent que l’argent seul ne peut résoudre une crise lorsque l’accès physique reste le principal goulot d’étranglement.
Avec l’approche de l’hiver, la situation menace de se détériorer davantage. Sans intervention immédiate, les experts de la santé prédisent que le nombre de décès dus à la malnutrition et aux maladies connexes pourrait dépasser les victimes directes du conflit. “C’est une tragédie entièrement évitable,” déclare Sarah Klein, coordinatrice humanitaire de l’ONU. “Nous avons la nourriture, les médicaments, l’expertise – ce qui nous manque, c’est un accès sûr et constant.”
La question qui confronte maintenant la communauté internationale est sévère: combien d’enfants devront encore dépérir avant que l’impératif moral d’agir ne surmonte les complexités politiques qui ont jusqu’à présent empêché une réponse humanitaire efficace?