Les images hantées sont devenues tragiquement familières : des mains désespérées tendues vers le ciel pour attraper des colis alimentaires largués par avion, des foules qui s’aventurent dans des eaux dangereuses pour récupérer des sacs de farine, et des enfants aux joues creusées attendant leur prochain repas incertain. Alors que le conflit à Gaza se prolonge dans son cinquième mois, le spectre de la famine n’est plus un avertissement lointain mais une réalité brutale qui se déroule sous les yeux du monde.
“Ce que nous observons est sans précédent dans les crises humanitaires modernes,” affirme Dr. Amina Khalidi, coordinatrice d’intervention d’urgence pour l’Alliance d’aide internationale. “L’effondrement systématique des réseaux de distribution alimentaire a créé des conditions où même les besoins nutritionnels les plus élémentaires ne peuvent être satisfaits pour la plupart des 2,3 millions d’habitants de Gaza.”
Les évaluations récentes du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) confirment que plus de 575 000 personnes à Gaza connaissent des niveaux de faim catastrophiques, les experts prévoyant que ce nombre pourrait englober toute la population d’ici mai si les conditions actuelles persistent. Les critères techniques pour déclarer une famine—lorsqu’au moins 20% des ménages font face à des pénuries alimentaires extrêmes, que la malnutrition aiguë dépasse 30%, et que les taux de mortalité dépassent deux décès pour 10 000 personnes par jour—semblent de plus en plus imminents dans le nord de Gaza.
La crise a été exacerbée par de sévères restrictions sur l’aide humanitaire entrant dans le territoire. Selon CO24 Actualités Mondiales, seule une fraction des 500 camions d’aide nécessaires quotidiennement a été autorisée à entrer depuis octobre, de nombreuses régions ne recevant aucune assistance. La situation dans le nord de Gaza reste particulièrement désastreuse, des communautés entières étant coupées de ravitaillements alimentaires réguliers depuis des semaines.
Dr. Michael Fakhouri, spécialiste en nutrition à l’Organisation mondiale de la santé, a déclaré à CO24 Actualités que les conséquences vont au-delà de la faim immédiate : “Nous constatons des taux alarmants de malnutrition chez les enfants de moins de cinq ans. Les impacts développementaux à long terme—tant physiques que cognitifs—affecteront toute une génération même après la fin de ce conflit.”
La crise a suscité l’indignation internationale, les organisations humanitaires qualifiant la situation de “famine provoquée par l’homme“. Les récents largages aériens de colis alimentaires par plusieurs pays, bien qu’intentionnés, se sont révélés tristement inadéquats et parfois dangereux. La semaine dernière, cinq Palestiniens sont morts lors d’une distribution chaotique de nourriture quand des colis largués d’une hauteur excessive ont frappé des personnes au sol.
“Les largages aériens sont un dernier recours, pas une solution,” explique Samantha Reynolds, ancienne coordinatrice humanitaire de l’ONU. “Ils fournissent une fraction de ce qui est nécessaire et créent des conditions dangereuses où les plus forts—non les plus vulnérables—obtiennent le peu d’aide qui arrive.”
La dimension économique de cette crise ne peut être négligée. Comme l’ont montré les reportages de CO24 Économie, l’économie de Gaza s’est effectivement effondrée, avec des prix alimentaires qui explosent quand les approvisionnements sont disponibles. Les produits de base comme la farine et le riz coûtent maintenant jusqu’à dix fois leur prix d’avant le conflit, les mettant hors de portée pour les familles qui ont perdu leurs moyens de subsistance et épuisé leurs économies.
Les efforts diplomatiques internationaux pour établir des corridors humanitaires sécurisés ont répétitivement échoué. La ministre canadienne des Affaires étrangères Mélanie Joly a récemment joint sa voix aux appels pour un accès humanitaire immédiat et sans restriction, selon CO24 Canada, soulignant que “la nourriture ne doit jamais être utilisée comme arme de guerre.”
Alors que la crise s’aggrave, les établissements médicaux signalent des augmentations alarmantes de cas de déshydratation sévère, de malnutrition et de maladies connexes. Dr. Ibrahim Nasser, l’un des rares médecins restant à l’hôpital Al-Shifa, a décrit des enfants “qui ressemblent à des squelettes ambulants” et des nourrissons mourant de conditions évitables aggravées par la malnutrition.
Le traumatisme psychologique s’ajoute à la souffrance physique. Des mères rapportent être incapables d’allaiter en raison de leur propre malnutrition et stress. Des familles décrivent devoir faire des choix impossibles sur la façon de distribuer une nourriture insuffisante entre les membres du foyer, de nombreux adultes renonçant entièrement aux repas pour que les enfants puissent manger.
Alors que les dirigeants mondiaux débattent des prochaines étapes et que les agences humanitaires plaident pour un accès, la question fondamentale demeure : combien d’autres personnes souffriront avant que des actions efficaces ne remplacent les expressions d’inquiétude? Lorsque l’histoire de ce conflit sera écrite, regarderons-nous ces images de mains tendues et d’yeux creux comme la preuve d’une tragédie évitable que le monde a choisi de ne pas empêcher?