Le village inuit isolé de Salluit, dans la région du Nunavik au Québec, fait face à une crise de distribution d’eau sans précédent qui menace la santé et le bien-être de ses 1 600 résidents. Alors que les températures ont chuté jusqu’à -35°C la semaine dernière, les infrastructures hydrauliques vieillissantes de la communauté ont subi de multiples défaillances, privant de nombreux foyers de cette ressource essentielle pendant plus de dix jours.
“Nous rationnons le peu d’eau embouteillée que nous avons,” explique Sarah Koperqualuk, une résidente de 42 ans et mère de trois enfants. “Mes enfants n’ont pas pris de bain convenable depuis plus d’une semaine. Nous faisons fondre de la neige juste pour tirer la chasse d’eau. Ce n’est pas ainsi que les Canadiens devraient vivre en 2025.”
La crise résulte d’un concours de circonstances défavorables: conduites d’eau gelées, capacité de pompage insuffisante et pannes mécaniques à l’installation de traitement d’eau de la communauté. Les responsables locaux signalent qu’environ 40% des maisons sont actuellement privées d’eau courante, sans solution immédiate en vue malgré les efforts d’intervention d’urgence.
Cette situation met en lumière les disparités flagrantes en matière d’infrastructure entre les communautés autochtones du Nord canadien et les centres urbains du Sud. Selon CO24 News, des crises de l’eau similaires ont touché au moins sept autres communautés inuites et des Premières Nations du Nord cet hiver, témoignant d’un problème systémique plutôt que d’incidents isolés.
Les représentants du ministère québécois des Affaires autochtones ont promis une aide d’urgence, notamment le transport aérien de réserves d’eau embouteillée et d’équipements temporaires de purification d’eau. Cependant, ces mesures provisoires ne résolvent pas les lacunes infrastructurelles sous-jacentes qui affligent la communauté depuis des décennies.
“Chaque hiver, nous retenons notre souffle en nous demandant si ce sera l’année où notre système d’eau tombera complètement en panne,” déclare Thomas Annanack, membre du conseil municipal de Salluit. “Nous demandons des améliorations d’infrastructure depuis plus d’une décennie, mais les actions concrètes sont constamment retardées.”
L’impact économique est tout aussi grave. Les entreprises locales ont été contraintes de fermer, et l’usine de transformation du poisson de la communauté – un employeur important – a suspendu ses activités pour une durée indéterminée. Les conséquences économiques aggravent les préoccupations humanitaires, menaçant la viabilité à long terme de la communauté.
Les responsables de la santé expriment une inquiétude croissante concernant les risques sanitaires. Dr. Marie Rochette, directrice régionale de santé publique pour le Nunavik, avertit: “Plus cette situation persiste, plus le risque de maladies gastro-intestinales, d’infections cutanées et d’autres problèmes de santé liés à l’eau augmente. C’est devenu à la fois une urgence de santé publique et une question de droits humains.”
La ministre fédérale des Services aux Autochtones, Patricia Hajdu, a promis d’accélérer le financement d’urgence, reconnaissant dans une déclaration que “la situation à Salluit reflète des conditions inacceptables qu’aucune communauté canadienne ne devrait subir.” Cependant, les dirigeants communautaires se demandent pourquoi des mesures préventives n’ont pas été mises en œuvre il y a des années, malgré de nombreux rapports d’ingénierie soulignant la vulnérabilité de leur système d’eau.
Alors que les ingénieurs et techniciens luttent contre le temps et les conditions météorologiques difficiles pour rétablir le service d’eau, les résidents de Salluit continuent d’endurer des épreuves qui provoqueraient une indignation nationale si elles se produisaient à Montréal, Toronto ou Vancouver. Cela soulève de profondes questions sur l’engagement du Canada envers la réconciliation et le traitement équitable des communautés autochtones: Quand déciderons-nous, en tant que nation, que chaque Canadien mérite les mêmes infrastructures de base, indépendamment de sa géographie ou de son patrimoine?