Dans une évaluation finale cinglante avant de quitter son poste, l’envoyée spéciale du Canada pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme a vivement critiqué les dirigeants d’entreprises et religieux du pays pour leur réponse inadéquate face à la montée de l’antisémitisme suite à l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre.
Deborah Lyons, nommée à ce poste en 2023, a exprimé sa profonde déception lors de son discours au Sommet national sur l’antisémitisme à Ottawa hier. “Où sont nos titans de l’industrie et du commerce? Où sont nos chefs religieux de toutes confessions qui devraient être unis?” s’est interrogée Lyons, sa voix trahissant une frustration évidente alors qu’elle s’adressait aux responsables et représentants communautaires présents.
Les critiques de l’envoyée surviennent dans un contexte où les statistiques inquiétantes montrent que les incidents antisémites au Canada ont augmenté de plus de 300 % depuis octobre 2023. Les communautés juives à travers le pays ont signalé des niveaux sans précédent de harcèlement, de vandalisme et de menaces, créant ce que Lyons a décrit comme “un climat de peur” pour de nombreux Juifs canadiens.
“Quand je vois des membres de la communauté juive qui ont peur de marcher sur certains campus universitaires, qui hésitent à porter des symboles religieux en public, ou qui nécessitent des agents de sécurité dans leurs lieux de culte, je dois me demander – est-ce vraiment le Canada que nous voulons?” a fait remarquer Lyons lors de son discours d’ouverture au sommet.
Ses commentaires visaient spécifiquement les dirigeants d’entreprises et religieux qui sont restés largement silencieux malgré l’escalade des tensions. Alors que des représentants du gouvernement et certaines organisations de la société civile ont condamné l’antisémitisme, Lyons a souligné l’absence manifeste d’une opposition unifiée et vocale de la part du milieu des affaires canadien et des leaders interconfessionnels.
Le premier ministre Justin Trudeau, présent au sommet, a reconnu la responsabilité du gouvernement mais a souligné la nécessité d’un engagement sociétal plus large. “Combattre la haine exige que tous les segments de la société se tiennent ensemble,” a déclaré Trudeau, faisant écho à l’appel de Lyons pour un leadership plus étendu sur la question.
Les dirigeants de la communauté juive ont salué l’évaluation franche de Lyons. Michael Levitt, président des Amis du Centre Simon Wiesenthal, a déclaré: “Ses paroles reflètent ce que beaucoup dans notre communauté ont ressenti – qu’il y a eu un silence assourdissant de la part de trop nombreux Canadiens influents qui pourraient faire une différence dans ce combat.”
Le sommet lui-même a révélé des tendances préoccupantes à travers le Canada, avec des incidents antisémites signalés dans chaque province. Les grands centres urbains comme Toronto, Montréal et Vancouver ont connu des augmentations particulièrement marquées des crimes haineux visant les institutions et les individus juifs.
Les experts soulignent la polarisation autour du conflit israélo-palestinien comme catalyseur, mais insistent sur le fait que le discours politique légitime doit être distingué de la haine envers les Canadiens juifs. Dr Karen Mock, consultante en droits humains présente au sommet, a expliqué: “Critiquer les politiques du gouvernement israélien n’est pas intrinsèquement antisémite, mais lorsque cela passe à la diabolisation de tous les Juifs ou à la négation du droit d’Israël à exister, cela devient problématique.”
Alors que Lyons se prépare à conclure son mandat, des questions demeurent quant à l’impact durable de son travail et qui lui succédera dans ce rôle crucial. Le gouvernement fédéral n’a pas encore annoncé de remplaçant mais a confirmé que le poste sera maintenu étant donné les défis persistants.
Le défi d’adieu de l’envoyée aux dirigeants canadiens soulève une question inconfortable mais essentielle pour notre société: dans un pays qui se targue de diversité et d’inclusion, pourquoi tant de voix influentes sont-elles restées silencieuses face à la montée de l’antisémitisme, et quelle responsabilité portons-nous tous pour garantir que la haine n’a pas sa place au Canada?